Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/233

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se frottent les mains. La maréchale parle de la bonté du pauvre Trîphone Lvôvitch.

– À table, messieurs ! dit-elle en soupirant, finissant son récit.

Les invités, s’efforçant de ne pas se marcher sur les pieds et de ne pas se bousculer, se hâtent vers la table. Un déjeuner les y attend. Ce déjeuner est à ce point luxueux qu’au premier coup d’œil chaque année le diacre Konkôrdiév compte de son devoir d’ouvrir les bras tout grands, de remuer la tête d’un air d’incrédulité, et de dire :

– Extraordinaire !… Père Eumène, tout cela ressemble moins à de la nourriture pour des hommes qu’aux sacrifices que l’on faisait aux dieux.

Le déjeuner, en effet, est… extraordinaire. Sur la table il y a tout ce que peuvent donner la flore et la faune ; il y a tout… sauf des boissons spiritueuses. Lioubov Petrôvna a juré de n’avoir chez elle ni cartes ni alcools, deux choses qui ont causé la mort de son mari. Et sur la table il n’y a que des bouteilles d’huile et de vinaigre, par dérision et comme châtiment des invités, qui, tous, sont des buveurs et des soiffeurs désespérés.

– Messieurs, je vous en prie, servez-vous ! dit la maréchale de la noblesse. Seulement, excusez-moi : chez moi, vous le savez, il n’y a pas de vodka…

Les assistants s’approchent de la table et attaquent