Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/246

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Ouzélkov et Châpkine descendirent et s’engagèrent dans une longue et large allée. Le givre argentait les cerisiers dépouillés, les acacias, les croix grises et les tombes. Le jour ensoleillé se reflétait dans chaque flocon de neige. On sentait, comme dans tous les cimetières, une odeur d’encens et de terre fraîchement remuée.

– Ce cimetière est joli, dit Ouzélkov ; c’est un vrai jardin.

– Par malheur, on viole les tombes, dit Châpkine… Tenez, là, à droite, derrière ce monument en fonte, est enterrée Sôphia Mikhâïlovna. Voulez-vous voir ?

Les deux hommes tournèrent à droite, et dans une neige épaisse se dirigèrent vers un monument de fonte.

– Voici, dit Châpkine, montrant une petite tombe en marbre blanc. Un enseigne lui fit faire ce monument.

Ouzélkov ôta lentement son chapeau et mit à l’air sa calvitie. Châpkine se découvrit aussi ; et une seconde calvitie brilla. Un silence sépulcral autour d’eux, comme si l’air même était mort… Les deux hommes regardèrent le monument de Sôphia Mikhâilovna, pensifs, sans rien dire.

– Elle dort ici, dit enfin Châpkine, – sans se souvenir d’avoir pris les torts à sa charge et d’avoir bu du cognac !… Convenez-en, Boris Pétrôvitch…