Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/250

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Le crépuscule. Une grosse neige, fondante, tournoie paresseusement autour des becs de gaz que l’on vient d’allumer, et se pose, en couche molle et fine, sur les toits, sur le dos des chevaux, les épaules et les chapeaux. Le cocher Iôna Potâpov est blanc comme un fantôme. Replié sur lui-même autant que peut se replier un corps humain, il est assis sur son siège et ne fait pas un mouvement. Glissât-il sur lui tout un amas de neige, il n’éprouverait pas, semble-t-il, le besoin de le faire tomber… Son méchant petit cheval est immobile et blanc comme lui. Par l’angulosité de ses formes, la raideur en bâtons de ses pattes, par son immobilité, il ressemble, même de près, à un petit cheval en pain d’épice d’un kopek. Il est, selon toute probabilité, plongé dans ses pensées. En effet, avoir été arraché de la charrue, de ses paysages habituels et gris, et avoir été jeté dans cet abîme plein de feux monstrueux, de fracas incessant, et de gens qui courent, comment ne pas songer à tout cela !

Il y a déjà longtemps que Iôna et son cheval n’ont pas bougé. Ils sont sortis du dépôt peu après