Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/97

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attendrir quelqu’un. Pourquoi donc, mon cher, cette joie ironique ? Comment la canaille ne philosopherait-elle pas, si elle n’est pas satisfaite ? Un homme sensé, instruit, fier, indépendant, fait à l’image de Dieu, ne trouve qu’à venir faire de la médecine dans une sotte et sale petite ville, et à appliquer toute sa vie des ventouses, des sangsues et des sinapismes ! Tout est charlatanisme, petitesse, platitude ! Ah ! mon Dieu !

– Vous dites des bêtises ; si la médecine ne vous plaisait pas, il fallait devenir ministre.

– Rien, on ne peut rien devenir ! Nous sommes faibles, mon cher… J’étais courageux et prêt à tout, je raisonnais sainement, et il m’a suffi d’un contact un peu rude avec la vie pour perdre tout courage… Prostration complète… Nous sommes faibles ; nous sommes misérables… Et vous aussi, mon ami ! Vous êtes intelligent et noble ; vous avez sucé avec le lait toutes les bonnes inclinations ; et, à peine êtes-vous entré dans la vie, vous avez été las et vous avez été malade… Nous sommes faibles, faibles !…

Quelque chose encore d’obsédant, outre la peur et le sentiment d’une offense, tourmenta André Efîmytch toute la soirée. Il trouva enfin que c’était le désir de boire de la bière et de fumer.

– Je vais sortir d’ici, mon cher, dit-il. Je vais dire qu’on me donne de la lumière… Je ne puis