Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fiantes de Rebecca à son égard étaient bien de nature encore à accroître ses bonnes dispositions pour elle.

Rebecca redoublait de prévenances pour sir Pitt ; elle appelait à son aide tout son arsenal de séductions. Sir Pitt, déjà enclin à se complaire dans l’admiration et la glorification de ses talents, était enchanté de voir Rebecca lui épargner la peine d’en découvrir de nouveaux. Rebecca réussit bien vite à prouver à sa belle-sœur, par des arguments victorieux, que mistress Bute Crawley était l’auteur du mariage contre lequel elle s’était ensuite si énergiquement élevée. C’était une tactique inspirée par l’avarice à mistress Bute, qui avait espéré ainsi s’approprier toute la fortune de miss Crawley et spolier Rawdon des libéralités de sa tante. Il avait fallu son imagination perverse pour forger tant de méchants propos sur le compte de la pauvre Becky.

« Elle a pu réussir à nous plonger dans la gêne, disait Rebecca d’un air de résignation vraiment angélique ; mais comment en vouloir à la femme à qui je dois la perle des maris ? Son avarice d’ailleurs n’a-t-elle pas été assez punie par la ruine de ses espérances, par la perte des biens auxquels elle attachait un si haut prix ? Eh ! mon Dieu, chère lady Jane, continuait-elle sur le même ton, que me fait la pauvreté ? Dès ma plus tendre enfance j’ai été élevée à cette rude école, et ce m’est une large compensation à la gêne où je me trouve de voir que l’argent de la pauvre miss Crawley va servir à rétablir dans son antique splendeur la noble famille dont je suis fière d’être membre. Nul doute que sir Pitt ne fasse de cet argent un bien meilleur usage que s’il eût été entre les mains de Rawdon. »

Toutes ces paroles étaient scrupuleusement reportées à sir Pitt par sa trop confiante épouse, et ajoutaient encore à l’impression favorable qu’il avait conçue de Rebecca. Pour en donner une idée, nous dirons que, le troisième jour après la réunion de la famille pour la triste cérémonie, sir Pitt Crawley, tout en découpant une volaille, adressa les paroles suivantes à mistress Rawdon :

« Rebecca, vous offrirai-je cette aile ? »

Il n’en fallut pas davantage pour faire passer un éclair de joie dans les yeux de la petite femme.

Tandis que Rebecca en venait ainsi à ses fins ; que Pitt