Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/141

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Nous avons dit quelques mots de la vie que menaient avec leur père les demoiselles Dobbin dans leur belle villa de Denmark-Hill, où le petit George Osborne se faisait fête d’aller cueillir des pêches et des raisins. Les demoiselles Dobbin allaient souvent à Brompton voir la chère Amélia, et entretenaient des relations de visites avec leur ancienne amie de Russell-Square, mistress Osborne. C’était sans doute par déférence pour les désirs de leur frère, le major, que ces demoiselles montraient tant d’égards pour mistress Osborne. Le major ne désespérait pas de voir quelque jour le vieil Osborne revenir de son entêtement et reconnaître enfin pour son héritier le fils de George. Les demoiselles Dobbin tenaient miss Osborne au courant des affaires d’Amélia ; miss Jane savait par elles tous les détails de l’existence de mistress Osborne avec son père et sa mère ; de cette manière elle se trouvait renseignée sur la pauvreté et le dénûment de cette malheureuse famille. Ces demoiselles s’étonnaient en commun que des hommes comme le brave major, comme ce cher capitaine Osborne, eussent pu s’amouracher d’une créature aussi insignifiante, qui du reste n’avait point changé et était toujours restée une minaudière et une pimbêche. Quant au petit garçon, c’était le plus franc démon qui fût au monde.

Il n’est pas une femme dont le cœur ne soit accessible aux grâces aimables de l’enfance ; les humeurs les plus revêches sont toujours prêtes à se dérider en présence de ces petits êtres si charmants et si mutins.

Amélia, cédant un jour aux vives instances des demoiselles Dobbin, permit au petit George d’aller passer la journée à Denmark-Hill. En l’absence de son fils, elle employa la plus grande partie de son temps à écrire au major Dobbin. Elle le complimenta sur les bonnes nouvelles qu’elle avait apprises à son sujet par l’intermédiaire de ses sœurs, lui envoya ses vœux pour son bonheur et celui de la femme qu’il avait choisie, et le remercia de toutes les preuves d’amitié qu’elle avait reçues de lui dans son malheur. Elle lui donnait aussi des nouvelles particulières du petit Georgy, lui annonçant qu’il était allé passer la journée à Denmark-Hill. Elle soulignait beaucoup de passages de la lettre, et terminait en signant Son amie affectionnée, Amélia Osborne. Par un oubli qui ne lui était pas ordinaire, elle ne le chargeait de rien pour lady O’Dowd, dont elle dési-