Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/171

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moins de cent livres sterling. Dans le premier moment, il en avait beaucoup coûté à sir Pitt pour se décider à cet acte de générosité ; mais une douce satisfaction s’était ensuite emparée de lui à la pensée qu’il était le plus magnifique et le plus libéral des hommes. Rawdon et son fils partirent le cœur bien gros. Les dames furent presque bien aises de se quitter. Becky alla de nouveau se livrer à Londres aux occupations au milieu desquelles nous l’avons trouvée au commencement du chapitre précédent. Grâce à son active surveillance, l’hôtel Crawley, Great-Gaunt-Street, fut en quelque sorte rajeuni, et se trouva prêt à recevoir sir Pitt et sa famille, lorsque le baronnet arriva dans la capitale pour y remplir ses devoirs parlementaires et prendre dans le pays la haute position à laquelle le désignait son vaste génie.

Dans le cours de la première session, ce vétéran de la diplomatie ne laissa rien transpirer de ses projets, et n’ouvrit les lèvres que pour présenter une pétition des habitants de Mudbury ; mais on le voyait fort assidu aux séances, comme un homme qui veut se mettre au courant de la routine et des affaires de la chambre. Chez lui, il s’absorbait dans la lecture de toutes les brochures qui paraissaient. La pauvre lady Jane était dans des transes mortelles ; elle craignait de voir son mari perdre la santé par l’excès des veilles et du travail. Pitt se lia avec les ministres et les chefs de son parti, bien résolu à prendre rang d’ici à peu d’années parmi les sommités de la chambre.

Le caractère doux et timide de lady Jane avait inspiré à Rebecca un mépris que cette petite créature avait peine y dissimuler. La bonté simple et ouverte de lady Jane fatiguait notre amie Becky, et il était impossible qu’il n’en transpirât pas quelque chose et que l’on ne finît pas par s’en apercevoir. Sa présence était aussi pour lady Jane un motif de gêne et de contrainte ; son mari ne se lassait point de causer avec Becky. Elle avait cru remarquer entre eux des signes d’intelligence, tandis que Pitt n’avait jamais rien à lui dire et ne traitait jamais avec elle de si hautes questions ; il est vrai qu’elle n’y comprenait rien, mais toujours est-il mortifiant d’en être réduit à se taire, de sentir que le mieux qu’on puisse faire, c’est de garder le silence ; et cela quand une petite intrigante comme mistress Rawdon sait effleurer tous les sujets, à une réponse