Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/323

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se sont mariés le mois dernier, et les voilà de retour de Margate. Elle possède cinq cents livres sterling de revenu ; mais la brouille s’est mise entre elle et miss Binney, qui a conduit tout ce mariage. »

Le major fut presque tenté de faire des sauts de joie ; il frappa le sol de sa canne d’une manière si bizarre que miss Clapp ne put retenir une exclamation et s’empêcher de rire ; puis il resta quelques moments silencieux, la bouche béante, suivant des yeux le couple qui s’éloignait, tandis que miss Mary lui donnait tous les détails qui les concernait ; mais la seule chose qu’il eût entendue, c’est que le ministre avait épousé une autre femme qu’Amélia, et cela lui suffisait pour ouvrir son cœur à la joie. Après cette rencontre, on pressa le pas pour arriver plus vite à destination, et ils arrivèrent encore trop tôt, car le major frissonnait d’autant plus à l’idée de cette entrevue, qu’il n’avait pas été un seul jour sans désirer dans le cours des dix dernières années. Enfin, ils atteignirent l’antique portail formant l’entrée de Kensington-Gardens.

« Nous y voici, » dit miss Polly ; et elle sentit de nouveau le bras de Dobbin tressaillir sous le sien. Elle savait, du reste, à quoi s’en tenir : sa jeune mémoire avait conservé le souvenir de toutes les confidences passées.

« Allez devant, lui dit le major, pour l’avertir. »

Polly partit comme un trait, et son châle flottait derrière elle au souffle du vent.

Le vieux Sedley était assis sur son banc, son mouchoir placé à côté de lui ; il redisait, suivant son habitude, pour la centième fois, quelque vieille histoire du temps de sa jeunesse à la pauvre Amélia, qui la savait déjà par cœur et qui avait encore un sourire résigné pour le récit du vieillard. Toutefois, à force d’entendre les racontages de son vieux père, elle pouvait désormais sourire en toute sécurité, sans même prêter l’oreille, et penser à ses propres affaires. Voyant Mary arriver en courant, Amélia se leva tout effarée de son banc. Sa première pensée fut qu’il était arrivé quelque malheur à Georgy. Mais la figure empressée et joyeuse de la messagère eut bien vite dissipé les craintes qui s’élevaient dans le cœur de cette tendre mère.

« Bonne nouvelle, bonne nouvelle, criait l’éclaireur de Dobbin ; il est arrivé ! il est arrivé !