Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

borne, c’était dans le courant de la maladie de M. Sedley. Après le dîner, leur conversation roulait toute la soirée sur leur héros de prédilection. Le père, suivant son habitude, vantait bien haut les faits et gestes de son fils, et se glorifiait de l’éclat qui en rejaillissait sur la famille ; jamais il ne s’était montré d’humeur plus facile et si accommodante en ce qui concernait le pauvre garçon ; le cœur charitable du major s’en réjouissait comme s’il y trouvait l’heureux présage du pardon et de l’oubli. À la seconde séance, le vieil Osborne appela Dobbin par son nom de baptême, tout comme il avait coutume de faire quand George et Dobbin étaient camarades. Le brave garçon fut sensible à cette marque d’amitié, toujours dans l’espérance d’une réconciliation prochaine.

Le lendemain à déjeuner, lorsque miss Osborne, avec l’aigreur naturelle à son âge et à son caractère, hasarda quelques remarques peu obligeantes sur l’air et la tournure du major. Le maître de la maison l’interrompit :

« Vous le trouveriez encore assez bon pour vous, miss Osborne, si les raisins n’étaient pas trop verts. Allez ; vous avez beau dire, le major n’est pas aussi laid qu’on pourrait le croire, à vous entendre.

— Fort bien, bon papa, » dit Georgy en appuyant d’un air approbateur.

Et s’approchant du vieillard d’un air câlin, il lui sourit avec tendresse et l’embrassa. Puis il raconta le soir même l’histoire à sa mère, qui trouva que le petit garçon avait très-bien agi.

« Oui, c’est un excellent cœur, lui dit-elle, votre père en faisait grand cas ; c’est un homme plein de délicatesse et de dévouement. »

Dobbin survint après cette conversation, ce qui fit un peu rougir Amélia, et le petit vaurien augmenta encore son trouble et sa confusion en racontant à Dobbin le reste de l’histoire et en lui disant :

« Vous ne savez pas, mon vieux Dob, je connais une demoiselle, comme il n’y en a pas beaucoup, qui s’accommoderait assez de vous pour mari. Elle a du teint, elle ne manque pas de front et elle grogne du soir au matin après les domestiques.

— Quelle est-elle ? demanda Dobbin.

— C’est ma tante Osborne, répliqua le petit garçon ; c’est