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George, mon garçon ! Quel temps, bon Dieu ! Cela me rappelle la saison des pluies au Bengale. Mais soyez tranquille, ma voiture est imperméable. Entrons : Emmy et ma mère sont déjà à la sacristie. »

Joe Sedley était dans toute sa splendeur : jamais on ne l’avait vu si gras ; jamais son faux-col n’était monté si haut, jamais sa face n’avait été plus rubiconde. Son jabot s’étalait avec orgueil sur son gilet à ramages ; ses bottes à la hongroise resplendissaient sur la rotondité de ses mollets. Sur son habit vert clair s’épanouissait la rosette nuptiale, large et blanche comme la fleur du magnolia.

George faisait son tout, George allait se marier. Ce seul mot explique la pâleur de sa figure, l’excitation de ses nerfs, ses insomnies et ses frissons. J’ai entendu des gens qui affrontaient la même épreuve avouer la même émotion. À la troisième ou quatrième fois on finit par s’y accoutumer sans doute, mais le premier plongeon coûte toujours beaucoup à faire.

La mariée avait une douillette de soie brune, comme me l’a appris depuis le capitaine Dobbin, et portait un chapeau de paille avec un ruban rose et un voile en dentelle blanche de Chantilly. Le capitaine Dobbin, après lui en avoir demandé la permission, lui avait offert une montre avec sa chaîne d’or, qu’elle portait pour la cérémonie. Sa mère lui avait fait présent d’une broche en diamants, unique bijou resté en possession de mistress Sedley. Pendant le service, cette excellente mère, assise dans l’un des bancs, versait d’abondantes larmes, tandis que la servante irlandaise et mistress Clapp, son hôtesse, s’efforçaient de la consoler. Le vieux Sedley n’avait pas voulu assister au mariage. Joe remplaçait son père et conduisait la mariée à l’autel, tandis que le capitaine Dobbin remplissait, du côté de George, les fonctions de garçon d’honneur.

Dans l’église se trouvait seulement le clergé qui officiait. La pluie sur les vitraux et les sanglots de mistress Sedley étaient le seul bruit qui vint par moments interrompre le service divin. La voix du ministre ébranlait les tristes échos de ces voûtes désertes. Le oui d’Osborne se fit entendre grave et articulé. La réponse d’Emmy, s’échappant avec peine de son petit cœur, parvint mourante à ses lèvres, et n’arriva qu’aux seules oreilles du capitaine Dobbin.

La cérémonie terminée, Joe Sedley embrassa sa sœur ; c’é-