Page:Thackeray - Mémoires de Barry Lyndon.djvu/163

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« Un vol ! dit le jeune homme, je jure devant Dieu que je n’en ai point commis ! »

« Et il y eut entre eux une touchante scène de quasi-réconciliation, avant que le malheureux jeune homme fût conduit du corps de garde dans la prison d’où il ne devait plus jamais sortir.

« Ce soir-là, le duc examina les papiers que Geldern lui avait apportés. Ce fut, sans aucun doute, dans la toute première partie de cette lecture qu’il donna l’ordre de vous arrêter ; car vous fûtes pris à minuit, Magny à dix heures, moment où le vieux baron de Magny avait vu Son Altesse et protesté de l’innocence de son petit-fils ; et le prince l’avait reçu avec beaucoup de grâce et de bonté. Son Altesse dit qu’elle ne doutait pas que le jeune homme ne fût innocent ; sa naissance et son rang rendaient un tel crime impossible ; mais la prévention était trop forte contre lui ; on savait que le jour même il s’était enfermé avec le juif ; qu’il avait reçu une somme considérable d’argent perdue par lui au jeu, et dont l’Hébreu, indubitablement, avait été le prêteur ; qu’il avait envoyé après lui son domestique, qui s’était informé de l’heure où le juif partirait, s’était mis en embuscade sur la route et l’avait dévalisé. Les soupçons étaient si forts contre le chevalier, que la justice réclamait son arrestation ; et, jusqu’à ce qu’il se fût disculpé, il serait tenu dans une captivité qui ne serait point déshonorante, et on aurait tous les égards dus à son nom et aux services de son honorable grand-père. Sur cette assurance, et après une cordiale poignée de main, le prince quitta le vieux général de Magny, et le vétéran alla se coucher, presque consolé et convaincu que Maxime allait être relâché immédiatement.

« Mais le matin, avant le jour, le prince, qui avait passé la nuit à lire les papiers, appela d’un air effaré le page qui couchait en travers de la porte dans la pièce voisine, lui dit d’amener les chevaux, qui étaient toujours tenus tout prêts dans l’écurie, et jetant une liasse de lettres dans une boîte, dit au page de la prendre et de le suivre à cheval. Ce jeune homme (M. de Weissenborn) conta ceci à une jeune personne qui était alors de ma maison, et qui est maintenant Mme de Weissenborn, et mère d’une vingtaine d’enfants.

« Le page lui dit que jamais changement ne s’opéra en son auguste maître comme dans cette seule nuit. Ses yeux étaient injectés de sang, sa face livide, ses habits flottaient sur lui ; et lui qui s’était toujours montré à la parade dans une tenue aussi rigoureuse qu’aucun sergent de ses troupes, on aurait pu le