Page:Thackeray - Mémoires de Barry Lyndon.djvu/200

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hommes au club de Daly, et que là, dans une discussion au sujet de la généalogie d’un cheval, où tout le monde dit que j’avais raison, on en vint aux gros mots, et le résultat fut une rencontre. Je n’avais pas eu d’affaire à Dublin depuis mon arrivée, et l’on était curieux de voir si je valais ma réputation. Je ne fais pas le fanfaron sur ces matières, mais je fais ce qu’il y a à faire quand le temps est venu ; et le pauvre lord George, qui avait un joli poignet et l’œil prompt, mais avait appris à cette maladroite école anglaise, ne tint devant ma pointe que jusqu’à ce que j’eusse choisi où je le toucherais.

Mon épée lui entra sous sa garde et lui sortit par le dos. Lorsqu’il tomba, il me tendit la main, comme un bon garçon, et me dit : Monsieur Barry, j’avais tort ! Je ne me sentis pas très à l’aise, quand le pauvre diable fit cet aveu, car la dispute était de mon fait, et, pour dire la vérité, je n’avais jamais eu l’intention qu’elle finît autrement que par une rencontre.

Il garda le lit quatre mois des suites de sa blessure ; et la même poste qui porta à lady Lyndon la nouvelle du duel, lui remit aussi un message du capitaine Firebrace, où il était dit : « C’est le numéro un ! »

« C’est vous, Ulick, dis-je, qui serez le numéro deux.

— Ma foi ! dit mon cousin, c’est assez d’un ! » Mais j’avais mes projets sur lui, et j’étais déterminé tout à la fois à rendre service à cet honnête garçon, et à mener à bien mes desseins sur la veuve.



CHAPITRE XV.

Je fais la cour à milady Lyndon.


Comme il n’y avait pas eu de réhabilitation des effets de l’attainder encouru par mon oncle pour avoir suivi le Prétendant en 1745, il y aurait eu des inconvénients pour lui à accompagner son neveu au pays de nos ancêtres, où, sinon la potence, du moins un ennuyeux emprisonnement et un pardon douteux auraient attendu le bon vieux gentilhomme. Dans toutes les crises importantes de ma vie, son avis avait toujours pour moi de l’importance, et je ne manquai pas, dans cette conjoncture, de le lui demander. Je lui expliquai l’état du cœur de la veuve, tel que je