Page:Thackeray - Mémoires de Barry Lyndon.djvu/91

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autrement, je ne doute pas que je n’eusse été capable de prendre place dans n’importe quel hippodrome du monde, et de manier les guides (comme ce jeune seigneur si bien né avait coutume de le dire) en perfection.

« À l’université, je prononçai une thèse sur la quadrature du cercle, qui, je pense, vous intéresserait ; et je soutins une discussion en arabe contre le professeur Strumpff, dans laquelle, à ce qu’il fut dit, j’eus l’avantage. J’acquis, comme de raison, les langues de l’Europe méridionale ; et, pour une personne ferrée sur le sanscrit, les idiomes du Nord n’offrent aucune difficulté. Si vous avez jamais essayé du russe, vous avez dû voir que ce n’était qu’un jeu d’enfant, et ce sera toujours une source de regret pour moi de n’avoir aucune connaissance du chinois (aucune, du moins, qui vaille la peine qu’on en parle) ; et sans l’embarras où je me trouve, mon intention était de me rendre en Angleterre à cet effet, et d’obtenir mon passage sur un des vaisseaux de la compagnie anglaise en destination pour Canton.

« Je ne suis pas très-économe : aussi ma petite fortune de cent rixdalers, qui aurait fait vivre un homme prudent une vingtaine d’années, ne suffit qu’à mes cinq ans d’études ; après quoi elles furent interrompues, je perdis mes élèves, et je fus obligé de consacrer une grande partie de mon temps à ressemeler des souliers afin de mettre de l’argent de côté, et de pouvoir, plus tard, reprendre mes travaux à l’académie. Durant cette période, je contractai un attachement (ici le candidat prêtre soupira un peu) avec une personne qui, bien qu’elle ne fût pas belle, et qu’elle eût quarante ans, m’eût probablement rendu heureux ; et un mois après, mon excellent ami et patron, le prorecteur de l’université, docteur Nasenbrumm, m’ayant informé que le Pfarrer de Rumpelwitz était mort, me demanda si je voulais que mon nom fût mis sur la liste des candidats, et si j’étais disposé à prêcher un sermon d’épreuve. Comme l’obtention de ce bénéfice devait favoriser mon union avec Amalia, j’y consentis avec joie et préparai mon discours.

« Si vous voulez, je vais vous le réciter. Non ? Eh bien, je vous en donnerai des extraits, quand nous serons en marche. Pour continuer, donc, cette esquisse biographique, qui maintenant touche presque à sa fin, ou, comme il serait plus correct de dire, qui m’a presque amené à la période où nous sommes, je prêchai ce sermon à Rumpelwitz, et je me flatte que la question babylonienne y fut vidée d’une manière assez satisfaisante. Je le prêchai devant le herr baron et sa noble famille, et quelques officiers de distinction qui se trouvaient à son château. M. le doc-