Page:Tharaud - Dingley.djvu/112

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dans leur sommeil, ce sont là des souvenirs aussi présents à l’esprit du romancier qu’aux yeux d’un enfant les images du livre où il apprend à lire. Même encore aujourd’hui, quand il revoit en pensée, dans les mains d’un paysan devenu tout à coup son maître, la dépêche qui l’avertissait de la maladie de son fils, il éprouve de l’humiliation.

Assis dans une brèche du mur, le chef du poste examinait ses papiers à la lueur de sa lanterne.

Jamais, depuis les temps lointains où traînant dans les rues de Londres ses dix-huit ans faméliques, il essayait de surprendre dans les regards des directeurs de journaux s’il recevrait quelques shillings des contes qu’il leur apportait, jamais Dingley n’avait épié avec une pareille angoisse ce que peuvent trahir de ses pensées les moindres gestes d’un homme. Et ses fureurs d’adolescent contre ces marchands d’écriture de qui dépendaient ses repas, il les sentait réveillées, toute fraîches et vivaces, contre cet ennemi dont il ne distinguait que la