Page:Tharaud - Dingley.djvu/163

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ne se distinguent plus. La guerre qui se poursuivait sur le Vaal, était devenue pour lui plus lointaine que la guerre de Troie, et son voyou de l’East-End un personnage fastidieux qu’il écartait de sa pensée, comme on chasse une mouche de son front. Assis au fond du parc, dans un fauteuil de bois, devant une fourmilière dont il suivait pendant des heures le mouvement affairé, il se répétait sans cesse : « J’ai pensé en vain, j’ai rêvé en vain, j’ai écrit en vain. Mon art n’a jamais exprimé que l’assez niais plaisir de s’agiter pour quelque chose. Partout dans mon œuvre, du trompe-l’œil, du pittoresque, de la brutalité, de l’esprit, et pas un de ces accents profonds qui peuvent rafraîchir une âme. » Les vers appris dans sa jeunesse, au temps où il arrêtait sa barque sous les saules de la Tamise — vers grecs, vers latins, vers français, perdus dans le flot des souvenirs de sa langue maternelle — revenaient en foule à sa mémoire ; toute la poésie de la terre semblait accourir à son aide : un moment il s’enivrait de ces belles phrases