Page:Tharaud - Dingley.djvu/202

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n’entreront jamais tout à fait dans l’amertume de cet homme en qui l’ivresse des sens, même dans son premier éclat, n’avait jamais valu l’émotion créatrice, et qui ne sortait rien de sa cervelle aride.

Il revit Trafalgar Square, la taverne où il avait accompagné le beau sergent et ses recrues, le War-Office où il se dégoûta d’aller (on se lasse de tout, même du spectacle de la douleur). Mais en vain remit-il ses pas dans les pas de l’homme qu’il avait été, toute harmonie était rompue entre l’histoire de son voyou et ses sentiments intimes. Il se rappelait le triomphant départ de Southampton, l’espoir qui l’avait poussé à prendre la mer. Que rapportait-il de l’Afrique ? Des images de guerre, des propos de soldats, des impressions de fatigue… Seul, un souvenir pour accorder son imagination et son cœur : sa chevauchée dans le Veld.

Aussi longtemps que Dingley vivra, les solitudes de l’Orange ne seront jamais tout à fait désertes. Sans trêve il les parcourt, et