Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 1, Duprat, 1845.djvu/368

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ces grains étaient déposés dans des greniers publics ; on en comptait de cinq espèces : 1o Les greniers de l’empereur, destinés à l’entretien de sa famille et des officiers de sa maison ; 2o les greniers des princes feudataires, qui régnaient dans leurs principautés à la charge de rendre hommage au souverain et de lui payer le tribut ; 3o les greniers du gouvernement pour fournir aux dépenses ordinaires et extraordinaires de l’empire ; 4o les greniers de piété en faveur des vieillards, des malades, des pauvres et des orphelins ; 5o les greniers économiques réservés pour les années de stérilité et de famine.

Les greniers de la cinquième espèce s’alimentaient de la manière suivante. Les mandarins qui présidaient à la culture des terres tenaient un registre exact de l’état des moissons. Selon que l’année était abondante, bonne, médiocre ou mauvaise, ils obligeaient les colons de leurs districts à mettre en dépôt dans les greniers publics une partie plus ou moins considérable de leurs récoltes. Ces grains restaient en réserve. Lorsque les moissons avaient manqué, on dressait un état des besoins des familles, et on leur assignait sur le grenier économique un supplément en grains proportionné au nombre de personnes qu’elles avaient à nourrir et à la quantité de terres qu’elles devaient ensemencer. Quand les greniers d’un district ne suffisaient pas, on recourait à ceux des districts voisins.

Voici ce que dit l’ancien ouvrage canonique Ly-Ky (livre des rites), sur l’usage de mettre en réserve une partie des récoltes : « Un champ de cent arpents suffit pour la subsistance et l’entretien d’une famille de neuf personnes quand la terre est bonne et fertile. Lorsqu’elle est médiocre, elle ne suffit que pour sept à huit, et pour cinq à six lorsqu’elle est maigre et appauvrie. Un état qui n’a de blé en réserve que pour neuf ans est mal fourni ; s’il n’en a pas pour six ans, il est pauvre et en péril ; il est comme ruiné et à la veille de s’écrouler quand ses provisions ne suffisent pas pour trois ans. Dans trois années de bonne récolte, il doit y en avoir une de réserve. On ne doit jamais souffrir qu’aucune terre demeure inculte ni aucune famille oisive. Les mandarins préposés à l’agriculture doivent rester à la campagne pour diriger les labours et les semailles, déterminer les grains qui conviennent à chaque canton, présider aux façons des terres, ordonner les arrosements, fixer les limites des champs, et instruire les colons de tout ce qu’ils doivent faire. Le ministre doit régler les dépenses de l’état d’après la récolte de l’année et les provisions actuelles des greniers publics. » On reconnaît là le code d’un peuple agriculteur ; si l’on veut voir jusqu’où les Chinois ont porté