Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 1, Duprat, 1845.djvu/372

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« L’état d’eunuque cessa d’être un supplice vers le commencement de l’ère chrétienne, sous la dynastie des Han. Leur crédit et leur autorité avaient alors tellement prévalu, que la mutilation ne fut plus considérée que comme un moyen favorable à l’ambition. Plusieurs prenaient cette voie pour arriver plus promptement à la fortune. Des pères mêmes, dans les familles distinguées, dévouaient quelques-uns de leurs enfants à cet état pour s’en faire des protecteurs à la cour. Les eunuques acquirent des richesses immenses… Sous des princes inhabiles, faibles et voluptueux, les eunuques eurent en main toute la puissance ; du fond du palais ils gouvernaient l’empire. Tous les ordres émanaient d’eux ; ils étaient les arbitres de toutes les grâces, et il fallait que les grands fussent ou leurs créatures ou leurs victimes. L’injustice, la violence, les exactions, les abus d’autorité soulevèrent les peuples et provoquèrent ces révolutions terribles qui causèrent la ruine d’un grand nombre de familles impériales.

« Ces exemples apprirent à la dynastie régnante des Tartares à craindre les eunuques. Lorsque Kang-Hy (mort en 1723) monta sur le trône encore enfant, la régence, après avoir fait faire le procès pour ses malversations au chef des eunuques, en expulsa du palais plusieurs milliers qui eurent ordre de retourner dans leurs familles. Elle fit graver sur une plaque de fer du poids de plus de mille livres, qui subsiste encore aujourd’hui, une loi par laquelle la nation mandchou s’engage à ne plus élever d’eunuques aux charges et aux dignités. Lorsque Kang-Hy gouverna par lui-même, il ratifia cette loi, diminua encore le nombre des eunuques, réduisit ceux qui furent conservés à balayer les cours du palais, et recommanda à ses enfants de ne jamais les tirer de l’état d’abaissement où il les avait mis. » Description de la Chine, livre X. Le massacre des eunuques, raconté par le San-Koué-Tchy, ne fit cesser le mal que pour un temps ; on les détruisit une seconde fois à la fin de la dynastie des Tchang, dont ils avaient hâté la ruine dans les premières années du xe siècle de notre ère. Cette page sanglante de l’histoire de la Chine rappelle assez bien, dans tous ses détails, la conjuration de Darius et de Gobryas, qui fut suivie de la destruction des mages. — Hérodote, Thalie, § 71 et suiv.

On sait que c’est un crime de lèse-majesté, à la Chine, et par conséquent un crime digne de mort, d’aborder l’empereur en face, de marcher droit à lui, de ne pas mettre pied à terre en sa présence sur une