Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moi, votre femme, j’ai été abandonnée dans la capitale[1] ; par bonheur quelqu’un m’a cachée et fait sortir des murs, je me suis sauvée..... Aujourd’hui encore vous voulez me laisser.... » Et elle fut interrompue par ses sanglots.

Troublé par cette scène, et ne sachant quel parti prendre, Liu-Pou alla consulter sa concubine favorite, Tiao-Tchan[2] : « Si vous m’aimez, seigneur, lui dit-elle, si j’ai quelque empire sur vous, ne tentez point cette sortie imprudente. — Et que peux-tu craindre, reprit Liu-Pou, quand j’ai ma lance célèbre, mon fameux coursier le Lièvre-Rouge[3] ; sur toute la terre est-il un héros qui ose m’approcher ? » Et quittant sa favorite, il revint dire à Tchin-Kong : « Ces convois que Tsao attend, ce sont de fausses nouvelles. Tsao a plus d’une ruse à son service ; je n’ose m’aventurer hors de la ville. »

Tchin-Kong poussa un profond soupir, et se retira en disant : « Nous périrons tous sans qu’il nous reste un pouce de terre pour ensevelir nos corps ! »

Liu-Pou, décidé à ne pas sortir des murailles, passait les jours à boire et à festoyer en compagnie de sa femme et de sa concubine, essayant de chasser de son esprit les inquiétudes qui l’assiégeaient. Deux conseillers de seconde classe, dépendants de Tchin-Kong, demandèrent la permission de lui parler : c’étaient Hu-Tsé et Wang-Kay.

« Quelle affaire vous amène, dit le général ? — Seigneur, répliqua Hu-Tsé, Youen-Chu, établi à Hoay-Nan, y a acquis une grande puissance. Autrefois il a demandé de s’unir à vous par le mariage de votre fille avec son fils ; pourquoi ne pas renouer cette alliance ? Il vous enverrait des troupes, et vous attaqueriez de deux côtés Tsao-Tsao[4], qui serait infailliblement battu ! »

  1. Voir vol. Ier, page 150 : celui qui cacha la famille de Liu-Pou et la sauva du carnage, se nommait Pang-Chu.
  2. Voir vol. Ier, livre II, chap. III, l’histoire de la danseuse Tiao-Tchan.
  3. Voir vol. Ier, page 58, l’histoire de ce fameux cheval nommé le Lièvre-Rouge, et l’épisode de la première trahison de Liu-Pou.
  4. Ou plus littéralement : dedans et dehors ; des murs de la ville assiégée et de la campagne.