Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/108

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fut bientôt débarrassé de cet ambitieux ; après l’avoir fait battre par un de ses officiers[1] et décapiter, il assembla son conseil et dit : « Voilà deux mois que nous assiégeons cette ville sans la pouvoir réduire. Du côté du nord, nous avons la province de Sy-Liang qui nous inquiète ; du côté de l'est, c’est Liéou-Piao qui nous cause des alarmes ; si bien que ce que nous mangeons est sans saveur (la crainte empoisonne notre vie) ! Heureusement, cette révolte de Tchang-Yang s’est arrêtée d’elle-même ; mais nous avons envie de laisser la Liu-Pou, et de retourner à la capitale, tant nous sommes las de guerroyer[2] ! »

« N’en faites rien, s’écria Sun-Yo en se levant avec précipitation ; dans Liu-Pou, je vois un guerrier plein de bravoure, mais irrésolu et incapable de se conduire. Après toutes les défaites qu’il a essuyées, il doit avoir perdu de sa fougue. Or, un général est l’âme d’une armée ; si le chef se décourage, les soldats n’ont plus leur ancienne valeur. Tchin-Kong soutient encore Liu-Pou par ses conseils ; mais Liu-Pou est lent à les suivre. Avant que celui-ci ait recouvré son énergie, avant que celui-là ait dressé ses plans, attaquons au plus vite, et, j’en suis sûr, c’en est fait de ce dangereux ennemi ! — Et moi, je sais un moyen d’en finir avec lui, dit Kouo-Kia ; un moyen tel, qu’il vaut une armée de deux cents mille hommes. Tout brave qu’est Liu-Pou, il ne pourra échapper. — Ce moyen, reprit Sun-Yo, ce doit être, à n’en pas douter, de détourner les eaux de la rivière et d’inonder la ville, n’est-ce pas ! — Précisément, » fit Kouo-Kia. Adoptant le stratagème avec une grande joie, Tsao employa dix mille hommes à ce grand travail ; toute l’armée alla camper sur un lieu élevé, à l’abri de l’inondation.

Les soldats de la ville[3] qui voyaient l’eau monter, accoururent vers Liu-Pou lui donner avis de ce nouveau péril : « Mon cheval surnaturel passe dans l’eau en nageant comme s’il courait en

  1. Nommé Ssé-Houan.
  2. Il est probable que Tsao parlait ainsi pour réveiller le zèle de ses généraux ; c’est une de ces ruses qui conviennent à l’esprit des Chinois.
  3. Le texte chinois dit plus énergiquement : « Qui entendaient la voix des eaux. »