Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/174

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Comme cet insensé se vante de ses talents, eh bien, je le nomme timbalier pour lui faire honte [1] ! »

Au huitième mois de la cinquième année Kien-Ngan (200 de J.-C.), tous les grands de la cour étant invités à un festin, Tsao ordonna au philosophe de commencer ses fonctions. Or, l’ancien chef des timbaliers lui fit observer que dans un jour de fête, au palais, il devait se vêtir d’habits neufs ; mais Ni-Hang entra couvert de vieux vêtements, et se mit à battre trois fois les tambours de manière à rendre un son extraordinaire [2], ce qui scandalisa les convives. Les serviteurs lui demandèrent pourquoi il n’avait pas changé de costume. À cette question, Ni-Hang se dépouilla devant tout le monde de ses vêtements usés (qui déplaisaient à l’assemblée), et resta debout dans un costume si simple, que les assistants se couvraient la face. Le philosophe reprit tranquillement ses pantalons, sans témoigner la moindre honte, puis frappa trois autres coups de tambour.

« Oses-tu bien te montrer si impudent au milieu du palais ? lui cria Tsao avec colère. — L’impudent, répondit-il, est celui qui se joue de l’empereur et tend des pièges aux grands ! Si je vous montre tel quel ce corps que j’ai reçu de mon père et de ma mère, pourquoi m’accusez-vous d’impudence ? »

« Si tu es pur, toi, reprit Tsao, qui donc sera impur… ? — Vous, dit Ni-Hang ; vous ne distinguez point les sages d’avec les insensés ; vos yeux sont immondes ! Vous ne récitez point les livres de l’antiquité, votre bouche est malpropre. Vous n’écoutez

  1. L’édition in-18 dit en note : Ce fut sur Tsao que retomba la honte, car il fut horriblement injurié !
  2. Le texte dit littéralement : « Aussitôt frappant les tambours, il battit trois fois le yu-yang, et rendit un son discordant. (l’édition in-18 ajoute : C’était à la fois le son du métal et de la pierre.) » Ce qui est expliqué ainsi dans cette petite édition : « Avec les instrumenta de bois et de peau, on pouvait obtenir le son du métal et de la pierre, ce qui s’appelle ky, bruit de l’eau frappant les rocs. C’était là ce que recherchait le plus avidement Ngo-Yang, habile musicien (et comédien célèbre) du royaume de Tsou. Au temple des ancêtres, on frappait d’abord ce même ton yu-yang dans sa pleine intonation, ce qui s’appelait cho, commencer. Dans le royaume de Yé..., on séparait les sons, ce qui s’appelait tsue, interrompre ? Traditions qui ne se sont point conservées jusqu’à nous. »