Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/178

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son maître ; ce qui fit dire au courtisan Sun-Yo : « Cet homme est venu ici comme un espion ; il ne s’est jamais distingué et votre excellence l’avance en grade ! De plus elle le renvoie sans lui demander la moindre nouvelle de Ni-Hang. — Ce fou m’a insulté gravement, répondit le ministre ; je l’ai envoyé vers Liéou-Piao pour exciter celui-ci à le mettre à mort ; pourquoi m’informerais-je de lui ! »

De retour près de son maître, Han-Song lui vanta les qualités du souverain et le pressa d’envoyer son fils en otage à la cour. « Vous êtes un traître, s’écria Liéou-Piao avec colère ; que votre tête tombe à l’instant. — Seigneur, reprit le mandarin à haute voix, c’est vous qui m’imputez à mal ce que j’ai fait pour vous, ce n’est pas moi qui manque de gratitude ! » L’autre conseiller Kouey-Youé rappela ce qu’avait dit Han-Song avant de partir ; Liéou-Piao le laissa donc aller sain et sauf.

Alors aussi arriva la nouvelle que Hwang-Tsou avait fait décapiter Ni-Hang ; pour quelle cause ? Liéou-Piao voulut le savoir et on lui répondit : « Ces deux personnages ayant bu ensemble, et largement, Hwang-Tsou demanda au philosophe quels étaient les gens remarquables de la cour ? — Mes deux enfants [1], dit Ni-Hang ; eux exceptés, il n’y a pas un homme éminent dans la capitale ! — Et moi, que suis-je à vos yeux, reprit le général ! — Vous, vous êtes comme un esprit dans un temple d’idoles ; on a beau lui présenter l’offrande, il garde rancune et ne se montre pas [2] ! — Ah ! s’écria Hwang-Tsou exaspéré, tu me compares à une statue d’argile ou de bois ! »

Là-dessus il lui fit abattre la tête ; le philosophe ne cessa de l’injurier jusqu’à ce qu’il eut reçu le coup fatal.

Cette nouvelle contraria beaucoup Liéou-Piao [3] ; il résolut même

  1. Ils sont nommés Kong-Wen-Huu et Yang-Té-Tsou.
  2. Le philosophe semble se rire des cérémonies sacrées, et tourner en plaisanterie les statues auxquelles on offrait des sacrifices, mais qui, courroucées sans doute contre les officiants, ne laissaient point paraître l’esprit divin résidant en elles.
  3. L’édition in-18 ajoute : Ce ne fut point Hwang-Tsou qui le tua, ce fut Liéou-Piao ; ou plutôt ce ne fut pas ce dernier, mais bien Tsao-Tsao ; et le même texte ajoute : Liéou-Piao le fit ensevelir au bord de l’île appelée Yng-Vou (perroquet), ce qui fournit le sujet des quatre vers suivants :
    « Hwang-Tsou était un homme d’un talent borné, un personnage ordinaire ;
    » Ni-Hang étant mort, sa tête forma la source du fleuve Kiang.
    » Aujourd’hui si vous passez au bord de l’île du Perroquet,
    » Vous n’y verrez qu’un courant sans transparence et sans limpidité. »