Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/185

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auquel il invite les grands. Tong-Tching prétexte sa maladie pour ne pas s’y rendre ; Wang-Tsé et les autres conspirateurs, craignant d’éveiller des soupçons, prennent place parmi les conviés. Quand le vina fait le tour de la table, Tsao s’écrie : « Dans cette fête, il ne faut ni comédie ni musique ! J’ai là quelqu’un qui suffira à vous exciter à boire [1] ! » Sur son ordre les vingt alguazils amènent le malheureux docteur, enchaîné et la cangue au cou, en se pressant autour de lui. « Cet homme, reprit Tsao s’adressant aux mandarins, s’est révolté contre l’Empereur ; il a des complices ! Il voulait me faire périr, mais le ciel a déjoué ses projets. » Et sommant une fois encore le patient de dénoncer les autres conspirateurs, il le fit frapper. Ky-Ping perdit connaissance et tomba. L’eau qu’on lui jeta à la face le rappela à la vie ; il lança sur le premier ministre un regard terrible, et se remit à l’injurier en grinçant des dents : « Brigand, s’écria-t-il, tu ne veux pas m’achever ! Qu’attends-tu donc ? »

« Ces plans de conspiration, ce n’est pas toi qui les a tracés, répliqua Tsao ; dénonce tes complices et ton crime te sera remis ! — Tes plans à toi, dit le patient, sont plus odieux que ceux de l’usurpateur Wang-Mang et du tyran Tong-Tcho. Tous les hommes de l’Empire se disputeraient le plaisir de broyer ta chair sous leurs dents ; suis-je donc seul à désirer ta mort ! »

« D’abord ils étaient sept [2], répondit Tsao ; tu as fait le huitième. Pourquoi ne nommes-tu pas les autres ? » À ces mots, Wang-Tsé et ses complices ne surent plus où porter leurs regards ; ils étaient aussi mal à l’aise que s’ils eussent été assis sur des pointes de fer [3]. Une nouvelle bastonnade fut infligée au médecin ; il s’évanouit encore et on le fit revenir en lui jetant de l’eau sur

  1. Cette fin de phrase, utile au sens général, ne se trouve que dans l’édition in-18, avec cette note : « Le médecin Ky-Ping excellait dans l’art de faire cuire les aliments ; c’est lui dont Tsao se sert en ce moment pour donner du goût aux mets, pour assaisonner le repas ! » Ce qui fait mieux comprendre l’atroce ironie du premier ministre.
  2. Voir plus haut, page 119.
  3. Littéralement : « Sur un tapis, sur une étoffe foulée faite d’aiguilles au lieu de laines. » Dans la phrase suivante, le texte in-8° est d’une concision incroyable ; il dit seulement : Tsao ordonna d’un côté de frapper, d’un côté de jeter de l’eau.