Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/232

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avide ; il sait que je suis nécessiteux, que j’ai à ma charge de vieux parents. Aussi, si quelqu’un me connaît, c’est Pao-Cho ! Telle fut l’amitié qui unit jadis ces deux personnages célèbres par leur mutuelle affection[1]. »

« Eh bien, ajouta Tchang-Liéao, existe-t-il entre Hiuen-Té et vous un lien tout à fait pareil ? — Nous sommes unis a la vie et à la mort, dit le héros ; nous devons vivre ensemble et mourir le même jour ; cette union est donc plus intime encore que celle de Kouan-Tchong et de Pao-Cho. — Et celle qui existe entre vous et moi, de quelle nature est-elle ? –C’est le hasard qui nous a rassemblés et rendus amis ; dans les circonstances fâcheuses, notre devoir sera de nous entr’aider ; dans le malheur, notre devoir sera de nous soutenir l’un l’autre ; y manquer, ce serait rompre ce lien. (Si ce lien peut se rompre), comment le comparer à celui qui m’attache pour la vie et pour la mort à Hiuen-Té ? »

« Dernièrement, reprit Liéao, quand Hiuen-Té a été battu à Siao-Pey, pourquoi n’avez-vous pas péri les armes à la main en cherchant a le défendre ? — À ce moment-la, dit Yun-Tchang, je ne savais pas le malheur arrivé à mon frère ; mais s’il y eût perdu la vie, croyez-vous que j’eusse pu lui survivre ? — Aujourd’hui qu’il est retiré au nord du fleuve, êtes-vous décidé à l’y aller rejoindre ? — Les préceptes des anciens sages ne doivent point être méconnus ; vous avez dû pénétrer mes sentiments ; déclarez-les au premier ministre ! »

C’est ce que fit Tchang-Liéao sans y rien changer ; Tsao se contenta de répondre : « Je sais un moyen de le retenir ! »

Sur ces entrefaites, comme Yun-Tchang était toujours occupé de ses projets de départ, on lui annonça la visite d’un étranger ; il l’admit en sa présence, et cet homme qu’il ne connaissait pas, déclara se nommer Tchin-Tchin, officier au service de Youen-Chao.

  1. Ils vivaient sous la dynastie des Tchéou, au temps de Tchwang-Wang, vers l’an 690 avant notre ère. Voir pour plus de détails, le recueil de Contes et Nouvelles, page 260, et suivantes, à l’histoire intitulée le Luth brisé, laquelle contient un véritable traité de amicitiâ d’après les idées chinoises. L’édition in-18 a supprimé toute cette citation et simplifié le reste du dialogue.