Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/240

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au troisième jour, vous le traitiez dans un banquet particulier ; au cinquième jour, dans un repas solennel ; quand il montait à cheval, vous lui donniez de l’or, et de l’argent quand il mettait pied à terre[1]. Pour une action d’un éclat médiocre, vous l’avez salué du titre de prince. Enfin, vous l’avez comblé d’égards et de distinctions, et un matin il vous quitte, excellence, il s’en va ; je dis que c’est manquer de loyauté et voilà son premier tort. »

« Sans en avoir obtenu la permission de votre excellence, il s’éloigne effrontément et menace au passage les gardiens de la porte ! Je dis que c’est manquer aux lois de l’Empire ; voilà sa seconde faute. »

« Au souvenir des minces bienfaits qu’il a reçus de son ancien maître, il oublie la générosité bien autrement grande de votre excellence. Dans une lettre qui ne contient qu’un bavardage condamnable, il ne craint pas de se montrer impudent ; voilà sa troisième faute. Enfin, s’il va se joindre à Youen-Chao, vous pourrez dire avoir lâché vous-même le tigre qui fera la désolation du monde. Croyez-moi, lancez cet officier sur ses traces, afin de détourner des malheurs à venir ! »

« Non, reprit Tsao ; si je le laisse aller, c’est que j’ai fait autrefois mes conditions avec lui. Qu’on le poursuive et qu’il périsse, voilà que tous les hommes de l’Empire m’accuseront d’avoir manqué à ma parole. Quant à lui, il a agi dans l’intérêt de son maître ; je défends qu’on le poursuive[2]. »

« Il est parti de son chef, répliqua Tching-Yo ; et en cela surtout il a manqué aux lois établies. — Deux fois il s’est présenté à mon hôtel sans que je le fisse entrer, dit Tsao ; les présents que je lui avais envoyés, il me les a rendus ; ni l’or ni l’argent n’ont pu ébranler sa fidélité. S’attacher invariablement à ses devoirs et repousser la richesse, c’est le fait d’un héros ! Quant à moi, j’estime grandement des hommes de cette trempe. »

« Si plus tard des malheurs atteignent votre excellence, ajouta

  1. Voir plus haut, page 190.
  2. Youen-Chao avait voulu mettre à mort Hiuen-Té, et Tsao-Tsao ne veut pas qu’on poursuive Yun-Tchang ; comme depuis le commencement jusqu’à la fin le ministre se montre supérieur à Youen-Chao ! (Note de l’édit. in-18).