Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/245

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jeune guerrier, répondirent-elles, l’autre chef de la troupe nous eût déshonorées ! — C’est donc vraiment lui qui a sauvé ces dames, demanda Yun-Tchang aux gens de l’escorte ? — Oui, répliquèrent-ils ; l’autre brigand les ayant emmenées sur la montagne, ils voulurent d’abord se les partager comme des captives et s’en adjuger chacun une. Quand Léao-Hoa sut qui elles étaient, et comment elles se trouvaient dans ce lieu, il leur témoigna un grand respect ; puis comme son compagnon persistait dans ses mauvais desseins, il le tua. »

À ces mots, Yun-Tchang salua avec reconnaissance Léao-Hoa qui s’offrit de l’escorter avec toute sa bande ; mais le héros songeait qu’il s’attirerait la risée du monde, en employant à son service un homme qui n’était au fond qu’un brigand de l’espèce des Bonnets-Jaunes ; il le remercia donc. « Je vous suis infiniment obligé, répondit-il ; mais j’ai juré à Tsao le premier ministre que je m’en retournerais seul. Un jour, si je vous rencontre, soyez sûr que vous recevrez des preuves de ma gratitude. » Là-dessus, le jeune chef de brigands ayant offert de l’or et des étoffes précieuses, qui ne furent point acceptées du héros, prit congé de celui-ci et se retira de nouveau dans les montagnes avec sa troupe.

La tunique donnée par Tsao, Yun-Tchang l’offrit aux deux femmes de son frère, puis il continua sa route, escortant de près le petit char. Le soir étant venu, il ne se présenta d’autre abri qu’une maison isolée dont le maître, vieillard aux cheveux et à la barbe blanchis par l’âge, vint les accueillir avec la plus grande politesse. Yun-Tchang ayant mis pied à terre, répondit avec courtoisie à ses prévenances et satisfit à ses questions en se nommant.

« Oh ! reprit le vieillard, seriez-vous celui qui a décapité Yen-Léang et Wen-Tchéou[1] ? – Précisément ! » Le vieux campagnard tout joyeux le pria d’entrer. « Dans ce char, dit le guerrier, il y a deux dames. » Et le vieillard appela aussitôt ses femmes pour qu’elles fissent descendre et passer dans la salle les deux voyageuses ! Yun-Tchang se tenait près d’elles, debout, les mains

  1. Voir plus haut, pages 201 et 208.