Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/253

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seigneurie voyage et qu’il y a deux dames dans ce chariot, daignez entrer dans le logement des voyageurs de distinction, pour vous y reposer une nuit ; demain vous vous remettrez en route. » Encouragé par l’aspect franc et les paroles hospitalières du mandarin, le héros fugitif fit entrer les deux dames dans les murs du passage. Dans l’hôtel des Postes, il trouva tout disposé pour le recevoir, mais quand l’officier le pria de s’asseoir à table : « Les femmes de mon frère aîné sont la, répondit-il, je n’ose rien porter à ma bouche ! » En vain le commandant insista-t-il ; YunT-chang refusa de manger jusqu’a ce qu’on eût servi le repas des deux dames.

Comme il ne perdait pas de vue les dangers du voyage, Yun-Tchang fit d’abord entrer ses compagnes dans leurs appartements ; puis il permit à ses soldats de se reposer et veilla à ce qu’on donnât de la nourriture à son Lièvre-Rouge, ainsi qu’aux autres animaux. Cela fait, il délia sa cuirasse pour dormir un instant. Cependant, Tchang-Ky appela en secret son assesseur nommé Hou-Pan, et lui dit : « Ce guerrier s’éloigne du premier ministre comme un traître ; sur son chemin, il égorge les commandants et les officiers chargés de la défense des passages. Il a mérité la mort et même davantage ; ce terrible héros n’est pas facile à prendre ; ce soir, faites cerner l’hôtel des Postes par mille hommes ; chacun d’eux sera muni d’un paquet d’herbe sèche ; on mettra le feu d’abord aux portes extérieures, et bientôt l’incendie enveloppera tout l’hôtel. Tout le monde périra sans distinction d’âge ni de sexe. A la seconde veille de la nuit, que tout soit préparé ; j’aurai aussi mille hommes prêts à vous seconder. »

Hou-Pan entre dans le complot ; mille hommes sont munis de paquets d’herbes ; la paille sèche, le bois sec, tout est déjà disposé devant la porte de l’hôtel. « Mais, se dit alors le jeune lieutenant, je n’ai jamais vu ce héros, je ne sais pas quel aspect il a… Il faut que je le voie ! »

Arrivé à l’hôtel des Postes, il demande aux gardiens où est Yun-Tchang ? — « Dans la grande salle, occupé à lire, » lui répondirent-ils. — L’officier s’avance et regarde… ; la barbe roulée autour de sa main gauche, la tête inclinée, le héros fixe ses regards