Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/256

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Tchang victorieux ; vous tous, rassurez-vous, amenez-moi un bateau pour que je gagne l’autre rive. » Les soldats s’empressèrent de lui obéir ; il pria les deux dames de monter sur une grande barque, et en touchant l’autre bord, il se trouva fouler le territoire soumis à Youen-Chao. Ainsi, il avait franchi, de vive force, cinq passages et fait sauter la tête de six commandants.

« Hélas ! s’écria-t-il avec un soupir et sans ralentir sa marche, je n’ai fait que me défendre en tuant ceux qui entravaient mon voyage ! J’y étais contraint !… Cependant Tsao-Tsao l’apprendra ; il me jurera une haine éternelle… ; il me regardera comme un homme ingrat et déloyal… » Et le héros, qui trottait toujours en gémissant avec amertume, vit arriver vers lui, du côté du nord, un cavalier. Cet inconnu lui criait à haute voix : « Yun-Tchang, attends-moi un peu !… » Il s’arrête et reconnaît aussitôt Sun-Kien[1].

« Mon ami, lui dit-il, depuis que nous nous sommes vus dans le Jou-Nan, quoi de nouveau ? — Les deux chefs indépendants qui étaient maîtres de cette province (Liéou-Py et Kong-Tou), m’avaient envoyé au nord du fleuve, près de Youen-Chao, pour concerter avec Hiuen-Té les moyens de porter un grand coup à Tsao-Tsao. Mais, hélas ! (dans tout le pays soumis a Youen-Chao), dans les provinces situées au nord du fleuve, la discorde règne entre les conseillers et les généraux. Tien-Fong gémit en prison ; Tsou-Chéou s’est retiré et[2] refuse d’agir ; Chen-Pey et Kouo-Tou ont usurpé la direction de toutes les affaires. Plein de défiance à l’égard de chacun, Youen-Chao ne fait que changer d’avis. Il est instruit de votre retour, et à

  1. Voir plus haut, page 211. Pour comprendre ces soupirs de Yun-Tchang, il ne faut pas oublier qu’aux yeux des Chinois, ce chevalier sans peur et sans reproches, accomplissait les plus héroïques actions et les plus légitimes exploits en sacrifiant tous ces officiers qui, de leur côté, au nom du même principe d’obéissance absolue, l’empêchaient de se réunir à son frère adoptif. Aussi à chaque fois qu’il abat un de ces officiers, l’édition in-18 dit en note : Et d’un, et de deux, et de trois, etc.
  2. Voir plus haut, page 197.