Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/262

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fils n’est qu’un insensé ! Le ciel n’a pas voulu qu’ils se ressemblassent ! » Ils causèrent ainsi quelque temps, après quoi ils songèrent à dormir. Mais tout à coup, dans le jardin situé derrière la cabane, le hennissement d’un cheval appela leur attention ; des voix d’hommes se faisaient entendre… Le glaive en main, Yun-Tchang s’avance et voit le fils de son hôte rudement jeté à terre par un cheval ; ses propres compagnons se battaient avec les garçons de la ferme.

« Qu’y a-t-il ?… demanda le héros aux gens de sa suite. — Seigneur, répondirent-ils, cet homme avait volé votre coursier, le Lièvre-Rouge ; il l’emmenait et voulait lui mettre la selle ; l’animal l’a renversé d’une ruade ; il a crié, et c’est ce qui nous a fait connaître toute l’affaire. Nous nous sommes levés pour le poursuivre ; nous ramenions le cheval..., puis les garçons de la ferme ont voulu nous le reprendre et nous en sommes venus aux coups. »

Sun-Kien pressait Yun-Tchang de tuer le voleur : « Quoi ! s’écria le héros d’un ton de reproche ; je suis seul sur cette terre que je parcours en tous sens, je n’ai pour tout bien que ce cheval, et tu me le voles ! C’est m’arrêter au milieu de ma course. » Et il allait le frapper de son glaive, quand le vieux Kouo-Tchang lui dit en suppliant : « Notre fils indigne a commis un crime odieux, qui mérite dix mille fois la mort ; sa mère et moi ne l’avons que trop aimé ! Si vous le tuez, général, nous, les auteurs de ses jours, nous mourrons de chagrin ; oh ! de grâce, montrez-vous humain et généreux ! »

Yun-Tchang était un homme de cœur ; touché des supplications du vieillard dont il avait reconnu la sincérité, il renvoya le coupable sans le punir, puis attendit que le jour parût pour continuer sa marche. Au moment où il allait se mettre en route, Kouo-Tchang et sa femme s’inclinant devant lui au seuil de l’appartement, lui dirent avec reconnaissance : « Ce fils, qui nous déshonore, s’est conduit comme un brigand ; dans votre bonté, général, vous l’avez épargné… Quels remercîments !… — Faites-le venir, que je le rappelle à lui-même par de bonnes paroles, dit le héros ! — Hélas, répondirent les vieux parents,