Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/263

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il est parti à la quatrième veille, emmenant avec lui ses compagnons ; il nous fait expier les fautes d’une existence précédente ! »

Prenant congé de ses hôtes, Yun-Tchang fit monter les deux dames dans le petit char et partit de la ferme ; il cheminait côte à côte avec Sun-Kien. Après une marche de quelques heures, ils étaient arrivés dans un lieu où aucune maison ne s’offrait à leurs regards, quand deux cavaliers, suivis d’une centaine d’hommes, débouchèrent de derrière une montagne. Le chef de cette troupe portait un bonnet jaune et une tunique de guerre ; derrière lui se montrait le fils du vieux Kouo-Tchang ; les bandits ayant d’abord barré le chemin, celui qui les commandait s’écria : « Je suis un des lieutenants de Tchang-Kio, général du Ciel[1] ! Mon nom est Youen-Chao ; voyageur, abandonnez-nous ce cheval rouge, et la route vous sera ouverte. »

« Ah ! répliqua le héros en riant aux éclats, bandit arrogant, tu es un des adeptes du grand chef des Bonnets-Jaunes ! Eh bien, tu dois connaître Liéou-Hiuen-Té et ses deux frères, au moins de nom ? — J’ai bien entendu parler de l’un d’eux, de celui qui a le visage rouge et la barbe si longue, de celui qu’on nomme Yun-Tchang ; mais je ne l’ai jamais vu. Qui es-tu, toi ? »

Pour toute réponse, le héros, remettant le cimeterre dans la gaîne, délia sa longue barbe. À cette vue, le brigand sauta à bas de son cheval et saisit le fils de Kouo-Tchang qu’il conduisit devant le guerrier ; puis il s’inclina respectueusement et dit : « Après la mort du grand chef des Bonnets-Jaunes, ne sachant plus à quel maître obéir, je me suis jeté dans les montagnes, dans les forêts, pour me cacher. Ce matin, ce scélérat est venu

  1. Tchang-Kio, qui se nommait lui-même le Général du Ciel, avait été le chef des premiers Bonnets-Jaunes ; voir vol. I°, livre I°. — Il ne faut pas confondre ce Youen-Chao, qui ne fait qu’apparaître sur la scène, avec Youen-Chao, maître des provinces situées au nord du fleuve Jaune, ancien chef de la ligue contre Tong-Tcho, et près de qui Hiuen-Té avait d’abord cherché un refuge. En chinois, le mot youen présente à l’œil une différence que la transcription phonétique ne peut pas reproduire.