Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/296

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couleur, comment espérerais-je d’acquérir de la gloire et de fonder un état indépendant ! » Le spectre apparaissait dans le miroir de cuivre ; Sun-Tsé frappe cette surface polie, et s’écrie avec rage : « Le sorcier ! »

Le cri qu’il a poussé a rouvert la blessure, il tombe sans mouvement… Sa mère le fait transporter dans sa chambre à coucher, et bientôt il reprend ses sens ; mais en voyant sa blessure rouverte, il dit avec un soupir : « Hélas ! je ne puis revenir à la vie ! Que mes conseillers Tchang-Tchao et les autres soient introduits près de moi….. » Et il leur fit les recommandations suivantes :

« La Chine est en proie à l’anarchie ; mais avec le peuple de Ou et de Youé[1], avec la barrière solide que présente le fleuve Kiang dans ses trois branches, on peut attendre, sans crainte ni danger, l’issue des événements. Vous tous, appliquez-vous à bien seconder mon jeune frère Sun-Kuen. » — Puis prenant à la main le sceau suspendu à son cou, il appela près de lui ce frère destiné à lui succéder ; et quand celui-ci fut près de sa couche, il ajouta : « N’allez point, à mon exemple, vous mettre à la tête des peuples du Kiang-Tong, chercher la réalisation de vos projets entre deux armées rangées en bataille, et guerroyer à travers l’Empire. Élevez les gens sages, employez les gens habiles ; alors chacun rivalisera de zèle pour défendre votre pays du Kiang-Tong. Ma position n’était pas la même que la vôtre ; n’oubliez donc pas les difficultés qu’ont surmontées notre père et votre frère aîné pour s’emparer de la souveraineté qu’ils vous laissent ! Ne changez pas légèrement ce qu’ils ont fait ! » — Sun-Kuen s’agenouilla et reçut le sceau royal.

Alors Sun-Tsé fit signe à sa mère d’approcher, et lui dit : « Votre fils indigne va mourir. Les années que le ciel m’accorde sont accomplies. Je ne puis plus veiller aux besoins de ma mère ; le sceau royal, je l’ai confié à l’aîné de mes quatre

  1. Ou et Youé sont les noms de deux anciens royaumes tributaires des Tchéou, et auxquels correspondaient les provinces de l’Empire des Han dont le père de Sun-Tsé s’était emparé à la faveur des guerres civiles.