Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/312

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une prudence qui devine tout ; de plus elle a pour elle la bonne cause ; n’est-ce pas assez pour faire face à un pareil ennemi ? Voici que vos troupes manquent de vivres, mais elles n’en sont pas encore arrivées à cette extrémité où se trouvèrent réduits jadis, dans les villes de Yong-Yang et de Tching-Kao, les deux compétiteurs à l’Empire, Liéou-Pang et Hiang-Yu[1]. Cependant, c’était à qui ne reculerait pas le premier, car la retraite eût entraîné la perte de celui qui lâchait pied. Ainsi, seigneur, n’eussiez-vous que la dixième partie des forces qui vous menacent, gardez votre position. Vous occupez un défilé, ne reculez pas ; attendez que six mois s’écoulent, examinez les événements qui peuvent survenir. Certainement, dans cette armée qui vous arrête, il y aura des désordres, des changements. Ce sera là le vrai moment d’agir, l’occasion qu’il ne faudra pas laisser échapper... »

« Telle est l’humble pensée de votre serviteur ; excellence, daignez réfléchir à ces paroles. »

Cette réponse causa une grande joie à Tsao ; il recommanda à tous ses officiers de faire les plus grands efforts pour résister sans perdre un pouce de terrain. Sur ces entrefaites Youen-Chao recula d’une ou deux lieues, et un lieutenant de Su-Hwang (nommé Ssé-Houan), ayant pris quelques soldats ennemis, les interrogea sur les mouvements de l’armée du nord. Les prisonniers répondirent  : « Notre grand général Han-Mang doit amener un convoi de vivres pour les trois corps ; nous avions été envoyés en avant pour reconnaître si la route était libre. » Su-Hwang amena ces prisonniers à Tsao-Tsao, devant qui ils répétèrent ces mêmes paroles, et Sun-Yéou dit : « Ce Han-Mang est un brave, confiant en sa valeur et téméraire ; envoyons un général avec mille cavaliers pour lui barrer le chemin ; nous pourrions intercepter le

  1. Voir les notes précédentes et celles du vol. Ier, où les incidents de cette guerre ancienne sont rapportés en détail. Liéou-Pang fut serré de près dans la ville de Yong-Yang où il manquait de vivres, et plus tard Hiang-Yu se vit assiégé par lui dans Tching-Kao, l’an 204 avant J.-C. Voir l’Histoire générale de la Chine, vol. II, pages 470 et suivantes.