Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reprit Tsao, en riant, vous êtes l’ancien ami de celui qui vous reçoit ; quelle différence le rang et la gloire pourraient-ils mettre entre vous et moi ? — Mes yeux, répliqua le transfuge, étaient comme fermés à la lumière, et je me suis rangé dans le parti de Youen-Chao ; mais il refuse les avis qu’on lui donne, et rejette les plans qu’on lui suggère ; voici que je l’ai quitté, pour rejoindre un ancien ami. J’espère que votre excellence ne suspecte point ma sincérité !. — Comment donc ? dit Tsao, je sais bien que vous êtes plein de droiture et de loyauté. Voyons ! Expliquez-moi un peu ce que je dois faire pour triompher de ce rival ! »

Le transfuge continua  : « J’engageais Youen-Chao à lancer des cavaliers sur la capitale, à profiter du moment où elle était dégarnie de troupes, à vous attaquer ainsi en tête et en queue... Il ne m’a point écouté ; la-dessus, je l’ai fui pour passer sous vos drapeaux. — S’il eût adopté ce plan, s’écria Tsao épouvanté, c’en était fait de moi, je périssais misérablement[1]. Et s’inclinant devant le conseiller, il reprit : — Youen-Chao est bien puissant, je ne puis l’attaquer de vive force, veuillez m’enseigner quelque ruse.... »

« Excellence, pour combien de temps votre armée est-elle approvisionnée ? »

« Pour un an ! »

« Je n’en crois rien... »

« Pour six mois ! »

« Je vous parle à cœur ouvert, s’écria Hu-Yéou en se levant pâle de colère, pourquoi cherchez-vous à me tromper ? » Et il allait sortir de la tente ; Tsao le pria de rester près de lui « Mon ami, calmez-vous. Je vais vous parler avec sincérité, il me reste encore des vivres pour trois mois. — Ah ! répliqua Hu-Yéou, en souriant, on vous tient dans ce monde pour un rusé menteur, et c’est avec raison ; j’en ai la preuve ! — C’est que,

  1. Littéralement : je périssais sans avoir un lieu où l’on m’enterrât. — Expression consacrée et qui a en chinois un sens de plus que chez nous, la sépulture d’un habitant du céleste Empire étant pour la famille, pour les enfants surtout, l’objet d’une espèce de culte domestique.