Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/333

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Dès avant cette époque, Chen-Pey et Fong-Ky étaient les lieutenants de Youen-Chang, comme Sun-Ping et Kouo-Tou étaient ceux de Youen-Tan. Ces quatre généraux voyaient leur maître dans celui qu’ils servaient, et il en résultait une discorde éternelle. Ce fut eux que Youen-Chao consulta tous les quatre, en leur faisant part de son dessein : « Ma vie touche à sa fin, leur dit-il ; je veux choisir celui qui me succédera dans la principauté indépendante au nord du fleuve Jaune ; naturellement cruel, enclin à répandre le sang, mon fils aîné, Tan, malgré la sagacité de son esprit, trahira en toute occasion la fougue et la violence de son caractère ; mais mon second fils Hy, est, par son ignorance, incapable de prendre la direction des affaires ; le troisième, au contraire, Chang a tout l’extérieur d’un héros accompli, il honore les sages et les lettrés ; c’est lui que j’ai choisi pour mon successeur, quel est votre avis ? »

« Prince, répondit Kouo-Tou, j’ai encore présents à l’esprit les conseils que vous donnait Tsou-Chéou ; il disait : Si dix mille hommes courent après un lièvre, et qu’un seul d’entre eux prenne la bête, les plus ardents cesseront la chasse ; c’est une vérité reconnue. Youen-Tan est l’aîné, et voici qu’il occupe un poste loin de vous ; le choix que vous faites sera une source abondante de querelles. Dans tous les temps, quand un prince a placé sur le trône un jeune fils au préjudice de l’aîné, les familles régnantes ont été ébranlées : éliminer les enfants des femmes de premier rang en faveur de ceux des femmes de second ordre, cela a toujours bouleversé l’Empire. Aujourd’hui nos armées sont affaiblies et celles de Tsao menacent nos frontières ; si vous armez vos deux fils l’un contre l’autre, voilà le vrai moyen de faire naître de grands troubles. Prince, il faut songer à résister à l’ennemi bien plutôt qu’a diviser les membres de votre famille. »

Youen-Chao hésitait à prendre un parti, quand on vint lui annoncer que Youen-Hy arrivait à son secours avec soixante mille hommes, levés dans le Yéou-Tchéou ; Kao-Kan en amenait cinquante mille, réunis dans le Ping-Tchéou ; Youen-Tan en avait recrutés autant dans le pays de Tsing. Rassemblant les forces de son chef-lieu de Ky-Tchéou, Youen-Chao plein de joie (interrompit cette importante affaire) pour marcher à la rencontre du