Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/347

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« Non, dit à son tour Sun-Kien, vos paroles ne nous convaincront pas. Tout homme a son heure pour réussir et ses jours de malheur : cessez donc de vous décourager ainsi. Non loin d’ici dans le King-Tchéou se trouve Liéou-Piao, l’un des héros les plus brillants de notre époque. Il tient sous sa dépendance une grande province[1], il a sous ses ordres des soldats par cent mille, et des montagnes de provisions pour les hommes et les chevaux. De plus, il est comme vous, seigneur, allié à la famille impériale (comme le prouve son nom de Liéou) ; pourquoi ne pas nous jeter entre ses bras ? — C’est que, reprit Hiuen-Té, je crains qu’il ne nous repousse. — Il est maître du Han-Kiang ; à l’est, il confine le Ou-Oey ; à l’ouest, il touche le Pa-Cho ; au sud, il a pour limite l’Océan ; au nord, il s’appuie sur la rivière Han-Mien ; et vous craignez, seigneur, qu’il hésite à vous recevoir ? Laissez-moi me rendre près de lui, et vous le verrez s’avancer jusqu’à la frontière de sa principauté, pour venir au-devant de vous[2]. »

Acceptant cette proposition avec bien de la joie, Hiuen-Té envoya en avant Sun-Kien : celui-ci se présenta respectueusement à Liéou-Piao, qui, après les cérémonies d’introduction, lui demanda par quel hasard, lui, l’un des fidèles serviteurs de Hiuen-Té, il venait le trouver ? « Mon maître, répondit l’envoyé, est comme votre seigneurie, allié à la famille impériale ; tout l’Empire connaît cette circonstance. Aujourd’hui, mon maître voudrait se dévouer pour secourir la dynastie ; mais par malheur, il a trop peu de soldats ; il manque de généraux ; Liéou-Py, de

  1. Littéralement : les neuf provinces, le monde, l’Empire tout entier. Voir Morisson au mot Tchéou. Cependant, il s’agit plutôt ici des neuf provinces que les anciens historiens plaçaient en dehors de la Chine proprement dite. L’Histoire générale de la Chine, vol. IV, page 35, déclare que Liéou-Piao régnait sur le King-Tchéou et sur tout le Haut-Kiang.
  2. L’édition in-18 admire la délicatesse de ce langage. Hiuen-Té n’aura pas la peine d’aller chercher Liéou-King ; celui-ci viendra au-devant de lui, pour lui éviter la honte de cette démarche ! — D’après l’Histoire générale de la Chine, vol. IV, page 35, Liéou-Piao avait ajouté, à ses premières conquétes, ce qui forme aujourd’hui les deux provinces de Tchang-Cha et de Tchin-Tchéou, dans le Hou-Kwang.