Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jou-Nan, qui n’était pourtant ni son parent[1] ni son ancien ami, est mort pour lui en serviteur reconnaissant : il en a été de même de Kong-Tou. Mon maître, sous le coup d’une récente défaite, voulait aller à l’est du Kiang, se jeter dans le parti de Sun-Tsé. Quoi, lui ai-je dit, vous abandonneriez un parent pour courir auprès d’un étranger ? Liéou-Piao est le héros du siècle ; les sages arrivent vers lui comme l’eau coule vers l’est[2] ; à plus forte raison, devez-vous chercher asile près de lui, vous qui êtes de sa famille. Mon maître hésitait à tenter lui-même cette démarche, et voilà pourquoi il a envoyé en avant votre serviteur, vous présenter son humble demande. »

« Hiuen-Té est mon jeune frère, reprit Liéou-Piao enchanté de ce discours ; il y a longtemps que, sans pouvoir y réussir, je désirais ardemment le voir. Ne suis-je pas maître des neuf districts ; et j’hésiterais à recueillir chez moi un parent ? Où est Hiuen-Té, que j’envoie immédiatement quelqu’un pour le recevoir ! — N’en faites rien, dit un mandarin du nom de Tsaï-Mao, en donnant un perfide conseil ; ce Hiuen-Té est un fourbe qui cache de mauvais desseins ; il renie la justice, il se montre ingrat. D’abord, il s’est attaché à Liu-Pou, puis à Tsao-Tsao ; naguère il avait embrassé le parti de Youen-Chao, et jamais il n’a pu rester fidèle jusqu’au bout. Ces exemples suffisent à faire connaître quel homme il est. Si vous l’accueillez aujourd’hui, certainement vous attirerez les armées de Tsao-Tsao, et c’en est fait de la paix dont jouit le peuple dans vos états. Le mieux serait de couper la tête de cet envoyé, de Sun-Kien, et de la présenter au premier ministre qui ne manquerait pas, seigneur, de vous témoigner de grands égards ! »

« Sun-Kien n’est pas un homme qui craigne la mort, répondit celui-ci sans pâlir ; si mon maître a servi successivement trois partis, c’est que, dans aucun, il n’a trouvé un ami auquel il pût s’attacher. Liu-Pou n’avait-il pas tué (deux fois) ses pères

  1. Quoiqu’il portât aussi le nom de Liéou.
  2. Les plus grands fleuves de la Chine prennent leur source dans les montagnes, à l’ouest ; et vont se jeter, à l’est, dans la mer qui forme de ce côté la limite de l'Empire.