Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/35

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si vous ne vous débarrassez pas de lui maintenant, un jour vous aurez lieu de vous en repentir ! »

Tsao ne répondit rien et le mandarin se retira ; survint un autre conseiller, Kouo-Hia : « Sun-Yo m’exhortait tout à l’heure à faire périr Hiuen-Té, lui dit le ministre, qu’en pensez-vous ? — Qu’il ne faut pas suivre cet avis, répliqua Kouo ; vous avez levé des troupes au nom de la loyauté et de la fidélité, seigneur, vous avez chassé les tyrans pour sauver les cent familles ; c’est seulement en prenant pour base de votre conduite la stricte justice et la fidélité aux lois, que vous rallierez autour de vous les gens honnêtes et vertueux ; vous[1] devez tenir à les attirer tous. Désormais, ce Hiuen-Té jouit d’une grande réputation ; aujourd’hui qu’un malheur le force à se jeter entre vos bras, si vous lui ôtez la vie, on dira que vous êtes le fléau des gens de bien. Des lors, les hommes recommandables par leur prudence dans le conseil et par leurs talents militaires, s’éloignant de vous, se choisiront un autre maître. De qui vous servirez-vous, seigneur, pour affermir et pacifier l’Empire ? Au désir de vous débarrasser d’un seul homme qui vous fait ombrage, vous sacrifiriez ainsi l’espérance d’être le premier dans le monde ! Non, sachez distinguer avec précision les circonstances qui peuvent affermir ou mettre en péril votre puissance ! »

« Sage conseiller, répondit Tsao avec empressement, vos vues sont d’accord avec les miennes ! » Dès le lendemain, il demanda à l’empereur d’accorder à Hiuen-Té le grade de gouverneur de Yu-Tchéou : mais un troisième conseiller, Tching-Yo, vint présenter aussi ses observations : « J’ai vu, dit-il à son tour, que ce Hiuen-Té a des talents extraordinaires ; il fait de grands progrès dans l’esprit du peuple ; à la fin, il ne se laissera plus commander. Le mieux serait de se débarrasser au plus vite de ce dangereux personnage. — Non, reprit Tsao, le temps est venu d’employer les hommes supérieurs ; par le meurtre d’un seul, je m’aliénerais l’esprit de tous. L’avis de Kouo-Hia est

  1. La phrase chinoise dit, sous une forme négative : seulement craignez qu’ils ne soient pas encore venus.