Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entrée dans la ville prise, à cheval, à la tête de son cortége ; le conseiller Hu-Yéou se tenait derrière sa personne. Au moment où ils allaient franchir la porte, l’officier poussa son cheval de manière à se trouver à côté du premier ministre, et lui montrant avec son fouet cette même porte : « Ou-Man[1], lui dit-il, sans moi, vous ne seriez pas maître de cette ville. — Vous dites vrai, » répliqua Tsao-Tsao, en riant de bon cœur ; puis, arrivé devant le palais de Youen-Chao, il demanda si quelqu’un s’était permis d’en franchir le seuil.

« Le fils de votre excellence y a pénétré, » répliqua l’officier de garde, et Tsao-Tsao appela aussitôt son fils à haute voix pour le faire sortir. Il voulait le tuer ; ses conseillers Sun-Yéou et Kouo-Kia, lui firent observer que la présence de son fils dans ce palais n’avait servi qu’à le protéger contre toute insulte, nais il leur imposa silence, et Liéou-Ssé, sortant de ses appartements, vint se prosterner devant lui : « Sans le fils de votre excellence, s’écria-t-elle, notre demeure n’eût point été respectée ; permettez-moi de lui accorder ma fille pour vous témoigner notre reconnaissance.... » Sur la demande du premier ministre, qui la priait de venir vers lui, la jeune Tchin-Ssé vint se précipiter à ses pieds, et en la voyant il dit à son tour : « En vérité, je vous prends pour ma bru ! » Sans plus tarder, il ordonna à son fils de la garder comme épouse.

Après avoir pacifié le district de Ky-Tchéou (qu’il venait de conquérir), Tsao-Tsao alla offrir un sacrifice sur la tombe de Youen-Chao ; il s’inclina à plusieurs reprises, versa beaucoup de larmes, et se tournant vers ses généraux : « Autrefois, leur dit-il, j’ai voulu m’entendre avec Pen-Tsou[2] pour lever des troupes, mais il me répondit : Si les événements ne me sont pas favorables, sur quoi pourrai-je m’appuyer ? — Et comme je le pressai d’expliquer le fond de sa pensée, il ajouta : Au sud, j’ai pour appui le fleuve Jaune ; au nord je domine la province de Yen-Tay, et

  1. C’était le petit nom du premier ministre.
  2. C’est le petit nom de Youen-Chao.