Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/414

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voulez pas vous attirer de grands malheurs ! » Cette exclamation troubla tous les mandarins, et comme le héros faisait ses préparatifs de départ, Sun-Kien lui dit : « Seigneur, j’entends dire depuis plusieurs jours que vous êtes agité, et que quelque chagrin pèse sur votre cœur ; votre humble serviteur a réfléchi que vous aviez rapporté cette tristesse de King-Tchéou. La fête d’aujourd’hui, je le crains, cache quelque piége ; j’ose donc vous conseiller de n’y pas aller »

Là-dessus, Hiuen-Té raconta devant tous ses officiers ce qui s’était passé naguère. « Frère, dit Kouan-Kong, le souvenir de ces paroles hasardées vous trouble ; je ne crois pas cependant que Liéou-Piao puisse formuler contre vous aucun grief ; il ne faut pas ajouter foi si facilement aux propos du premier venu. La ville de Hiang-Yang est peu éloignée d’ici ; si vous vous abstenez de paraître à la réunion, il se pourra, au contraire, que votre hôte conçoive quelque soupçon. » Ce conseil semblait très sage à Hiuen-Té, mais Tchang-Fey s’écria que le banquet cachait une perfide invitation, que cette réunion n’était qu’un prétexte[1]. « Frère, frère, n’allez pas, n’allez pas ! » ajouta-t-il, et Tsé-Long déclara qu’il emmènerait trois cents soldats pour mettre leur maître à l’abri de tout péril.

« Si Tsé-Long est avec nous, je ne crains rien ! » dit le héros, et ce jour-la même il partit. Quand il arriva au lieu fixé, distant à peine de sept lieues de sa petite ville de Sin-Yé, Tsay-Mao vint le recevoir avec tant de démonstrations de politesse et d’égards, qu’il perdit tout soupçon. Les deux fils de Liéou-Piao se portèrent ensuite à sa rencontre accompagnés des officiers civils et militaires les plus distingués de la province[2], et à la vue des deux enfants de son hôte, le héros se sentit encore plus rassuré. Dès son arrivée, on le pria de descendre dans l’hôtel qui lui était

  1. Littéralement : « Ce banquet n’est pas un bon banquet, cette réunion n’est pas une bonne réunion. » L’auteur aime à mettre des paroles simples et vives dans la bouche de Tchang-Fey, toujours ardent et emporté.
  2. A savoir : Wang-Tsan, Fou-Sun, Wang-Vey, Wen-Ping, Teng-Y, Liéou-Sien.