Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/67

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la place, tandis que vers l’orient Liu-Pou arrivait avec ses divisions ; Liéou-Py paraissait déjà dans le midi ; suivi de trois cents mille hommes[1], Tsao marchait du côté du nord. Dans son trouble, Youen-Chu appela au conseil tous ses mandarins civils et militaires.

« Cette année, dit l’un des officiers (nommé Yang-Ta-Tsiang), les pluies ont manqué et la récolte est mauvaise ; le peuple n’a rien à manger. Entrer en campagne aujourd’hui, c’est vouloir mettre le comble aux calamités qu’il souffre. Si les habitants murmurent et se soulèvent, si des soldats arrivent de toutes parts, comment résisterons-nous à l’ennemi ? Voilà ce qu’il y a de mieux à faire : laissons ici des troupes pour garder la ville ; allons de l’autre côté du fleuve Hoey[2] chercher un refuge contre les assaillants, qui d’ailleurs, une fois leurs vivres épuisés, se retireront d’eux-mêmes. » Youen-Chu adopta ce plan ; il emmena sur des chars ses richesses, son or, ses pierres précieuses, et passa sur l’autre rive du Hoey avec deux cents mille hommes, laissant la ville de Chéou-Tchun sous la garde d’une division de cent mille soldats, aux ordres de quatre de ses lieutenants[3], promus au grade de généraux de première classe.

Cependant, les trois cents mille hommes de Tsao consommaient une grande quantité de vivres ; la disette devint si affreuse dans le pays, que les habitants se mangeaient les uns les autres. Les maisons abandonnées par leurs maîtres morts de faim tombaient en ruines, et les troupes ne trouvaient rien à piller.

  1. L’édition in-18 porte le nombre des soldats de Tsao-Tsao à 700.000, dans tous les passages où il est fait mention de son armée.
  2. Fleuve de la province du Kiang-Nan, dans laquelle Youen-Chu s’était déclaré Empereur. — Nous avons suivi, pour cette phrase, la construction plus logique de la version tartare. L’édition in-18 la développe mieux, et dit : « Au lieu de combattre, attendons que l’ennemi ait consommé tous ses vivres ; alors il se retirera de lui-même. Et vous, sire, vous traverserez le fleuve Hoey avec votre propre corps d’armée, ce qui vous procurera le double avantage de trouver des provisions et d’éviter les coups qui vous menacent. »
  3. C’étaient Ly-Fong, Yo-Tsiéou, Liang-Kang et Tchin-Ky. Il est utile de les nommer, au moins en note, parce qu’ils reparaîtront plus tard.