Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/237

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faire mieux. Et se pourroyent trouuer en ceste mesme montagne aucunes emeraudes, car i'ay veu telle de ces pierres, que l'on eust iugée vraye emeraude[1]. Ces Amériques donc se défigurent ainsi, et difforment de ces grâds pertuis et grosses pierres au visage : à quoy ils prennent autât de plaisir, qu'un seigneur de ce païs à porter chaînes riches, et précieuses : de manière que celuy d'entre eux qui en porte le plus, est de tant plus estimé, et tenu pour Roy ou grand Seigneur : et non seulement aux leures et à la bouche, mais aussi des deux costez des ioues. Les pierres que portent les hommes, sont quelquefois larges comme un double ducat et plus, et espesses d'un grand doigt : ce que leur empesche la parolle, tellement qu'à grande difficulté les peut on entendre quand ils parlent, non plus que s'ils auoient la bouche pleine de farine. La pierre auec sa cauité leur rend la leure de dessoubs grosse comme le poing et selon la grosseur se peut estimer la capacité du pertuis entre la bouche et le menton. Quant la pierre est ostée, s'ils veulent parler, on voit leur saliue sortir par ce côduit, chose hideuse[2] à voir : encores quand ceste canaille se veut moquer, ils tirent la langue par

  1. La prévision de Thevet s'est réalisée. Le Brésil produit en effet beaucoup d'émeraudes. Voir Saint-Hilaire. Voyage aux sources du Rio Francisco, et dans la province de Goyaz.
  2. Cf. Léry. § viii : « Que si au reste quelquefois quand ces pierres sont ostées, nos Tououpinambaoults pour leur plaisir font passer leur langue par cette fente de la leure, estant lors aduis à ceux qui les regardent qu'ils ont deux bouches : ie vous laisse à penser, s'il les fait bon voir de ceste façon, et si cela les difforme ou non. »