Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/246

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des Grecs. Et de ce fruit les Sauuages, quand le noïau est dehors, en font des sonnettes qu’ils mettent aux iambes, lesquelles font aussi grand bruit comme les sonnettes de par deçà. Les Sauuages pour rien ne donneroiêt de ce fruit aux estrâgers estant fraiz cuilly, mesmes defendent à leurs enfans y attoucher aucunement, deuant que le noïau en soit osté. Cest arbre est quasi semblable en hauteur à noz poiriers. Il a la fueille de trois ou quatre doigts de longueur, et deux de largeur, verdoyante toute l’année. Elle a l’escorce blanchastre. Quand on en couppe quelque branche, elle rend un certain suc blanc, quasi comme laict. L’arbre couppé rend une odeur merueilleusement puante. Parquoy les Sauuages n’en usent en aucune sorte, mesmes n’en veulent faire feu. Ie me deporte de vous descrire icy la propriété de plusieurs autres arbres, portans fruits beaux à merueilles, neantmoins autant ou plus veneneux que cestuy cy, dôt nous parlons, et duquel vous auons icy presenté le pourtrait au naturel. Dauantage il faut noter que les Sauuages ont en tel honneur et reuerêce ces Pagès, qu’ils les adorent ou plustost idolatrent : mesmes quand ils retournent de quelque part, vous verriez le populaire aller au deuant, se prosternant, et les prier, disant : Fais que ie ne sois malade, que ie ne meure point, ne moy, ne mes enfants : ou autre chose. Et luy respond : Tu ne mourras point, tu ne seras malade, et semblables choses. Que s’il aduient quelquesfois que ces Pagès ne dient la verité, et que les choses arriuent autrement que le presage, ils ne font difficulté de les faire mourir, comme indignes de ce tiltre et dignité