Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/280

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mocquer, et reprendre aigrement nous autres, qui deliurons noz ennemis estans en notre puissance, pour argent ou autre chose, estimans cela estre indigne d’hommes de guerre. Quant à nous, disent-ils, nous n’en userons iamais ainsi. Histoire d’un Portugais prisonnier des Sauuages. Aduint une fois entre les autres qu’un Portugais prisonnier de ces sauuages, pensant par belles parolles sauuer sa vie, se met en tout deuo1r de les prescher par parolles les plus humbles et douces qu’il luy estoit possible[1] : neantmoins ne peut tant faire pour luy, que sur le champ celuy auquel il estoit prisonnier, ne le feit mourir à coups de flesches. Va, disoit-il, tu ne merites, que l’on te face mourir honorablement, comme les autres, et en bonne compagnie. Autre chose digne de memoire. Quelquesfois fut emmené un ieune enfant masle de ces Sauuages de l’Amerique, du païs et ligne de ceux qu’ils appellent Tabaiares, ennemis mortels des Sauuages où sont les Frâçois, par quelques marchans de Normandie, qui depuis baptisé, nourri, et marié à Rouen, viuent en homme de bien, s’auisa de retourner en son païs en noz nauires, aagé de vingt deux ans ou enuiron. Aduint qu’estant par delà fut decouuert à ses anciens ennemis par quelques Chrestiês :

  1. C’étaient surtout les Tupinambas et les Margaïats qui poursuivaient les Portugais de leur haine. Un allemand au service du Portugal, Hans Staden de Humberg, étant tombé entre les mains du cacique Quoniam Bebe, essaya de l’apitoyer sur son sort en se faisant passer pour Français, mais il s’écria : « J’ai déjà pris et mangé cinq Portugais et tous prétendaient être des Français. » Cf. Voyage de H. Staden. Edit. Ternaux-Compans. P. 126.