Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/110

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malgré tout le bénéfice à tirer de cet agent actuel d’éclairage. Si la lampe, qui verse le calme doré de l’huile, est studieuse, comme la bougie, où voltige une lueur ardente, est mondaine, le gaz, lui, a des caractères très spéciaux : celui, principalement, d’un esprit toujours à nos ordres, invisible et prévu.

« Or, presque tous les appareils qui nous distribuent cette clarté sont hideux, et ne gardent de son apparition mondaine qu’un aspect camelot et banal : bronze, zinc, etc... Il s’agirait d’adapter le gaz à quelque objet traditionnel et familier, beau, et non de tricher avec lui, mais de le montrer à même, et je dirais nu si sa nudité n’était l’impalpable ! bref, avec tout son effet de magie ».

Et ainsi cette pente invétérée d’idéalisme fait converger en un réseau limpide vers des profondeurs de pensée toutes les lignes imprévues de ses analogies. Susciter un objet, pour lui, c’est, par un biais subtil, en évoquer l’Idée, c’est par l’intermédiaire d’une analogie, le hausser dans une atmosphère d’intelligence et d’harmonie.

                                     Miroir,
Eau froide par l’ennui dans ton cadre gelée.

(Hérodiade.)

Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui..

(Le vierge; le vivace...)

Et ce divin laurier des âmes exilées,
Vermeil comme le pur orteil du séraphin,
Que rougit la pudeur des aurores foulées.

(Les Fleurs.)

De fait nous rejoignons ici la grande route de l’idéalisme poétique. Toute métaphore implique un sens des analogies et un obscur postulat idéaliste : elle suppose, en supposant dès l’abord le problème résolu, que ses deux faces décomposent quelque Idée qui leur est commune et qui demeure, en chacune, entière. La genèse