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sont dissoutes, spiritualisées en un jeu de ces mêmes images motrices.

Surgi de la croupe et du bond
D’une verrerie éphémère
Sans fleurir la veillée amère
Le col ignoré s’interrompt.

Ainsi la danseuse idéale, selon Mallarmé, aurait pour fonction de rédiger en une écriture de mouvements l’être et le sens d’un objet, étoile, fleur, vase.

Voici un sonnet où une chambre blanche et les rêves qui l’habitent ne s’expriment que par des signes de mouvements

Une dentelle s’abolit
Dans le doute du Jeu suprême
À n’entr’ouvrir comme un blasphème
Qu’absence éternelle de lit.

Cet unanime blanc conflit
D’une guirlande avec la même
Enfui contre la vitre blême
Flotte plus qu’il n’ensevelit.

Mais chez qui du rêve se dore
Tristement dort une mandore
Au creux néant musicien…

Tout ce frémissement de mouvements enchevêtrés et esquissés vient comme à son émissaire naturel confluer à une musique, ou mieux à une absence évocatrice de musique. Qu’on place à l’opposé de ce sonnet la Symphonie (si mal nommée) en blanc majeur de Gautier avec sa surcharge de matérialité plastique.

Ainsi voyez trembler dans la brume, fil de la Vierge, violon qui expire longuement,

Une sonore, vaine et monotone ligne,

et rapprochez-en telles notations parnassiennes, arrêts académiques et stylisés de Leconte de Lisle.