Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/280

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V

S’ils sont vaincus, c’est par un ange très puissant
Qui rougit l’horizon des éclairs de son glaive.
L’orgueil fait éclater leur cœur reconnaissant.

Leur défaite c’est par un ange très puissant
Debout à l’horizon dans le nu de son glaive :
Une pourpre se caille au sein reconnaissant.

VI

Ils tettent la douleur comme ils tétaient le rêve.
Et quand ils vont rythmant leurs pleurs voluptueux,
Le peuple s’agenouille et leur mère se lève.

Ils tettent la douleur comme ils tétaient le rêve,
Et quand ils vont rythmant des pleurs voluptueux
Le peuple s’agenouille et leur mère se lève.

VII

Ceux-là sont consolés étant majestueux.
Mais ils ont sous les pieds des frères qu’on bafoue,
Dérisoires martyrs d’un hasard tortueux.

Ceux-là sont consolés, sûrs et majestueux ;
Mais traînent à leurs pas cent frères qu’on bafoue,
Dérisoires martyrs de hasards tortueux.

VIII

Des pleurs aussi salés rongent leur pâle joue,
Ils mangent de la cendre avec le même amour ;
Mais vulgaire ou burlesque est le sort qui les roue.

Le sel pareil des pleurs ronge leur douce joue,
Ils mangent de la cendre avec le même amour,
Mais vulgaire ou bouffon le destin qui les roue