Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/284

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Il y a là un travail de reprise minutieuse, qui ne peut d’ailleurs toucher au dessin du poème ni aux rimes, une sorte de stoppage poétique, dont on suivra curieusement le détail.

I. — Le premier vers substitue une épithète expressive à un terme banal, ici prématuré. Les deux suivants apportent une correction que l’on retrouvera constamment dans la suite, celle du substantif, qui remplace une locution adverbiale ou une épithète, et qui, au lieu de préciser et de développer une image, en ajoute une nouvelle : le vers prend ainsi plus de concentration, de couleur et de nerf. On reconnaît ce dépouillement excessif du mode oratoire, ce procédé de notations piquées et de courbes imprévues qui constitue de plus en plus la syntaxe de Mallarmé.

II. — Même accumulation d’images discontinues qui remplace une image développée. Des épithètes vagues et banales font place à ces images empilées et vues par leur tranche. L’image de mouvement au premier vers est devenue plus intense, s’est matérialisée dans un geste de plus ample audace, le vers est d’un métal plus sombre et plus sonore. La cheville du troisième vers, détestable d’abord, s’est atténuée sans disparaître.

III. — Le tercet primitif ne se tenait pas, débutait par un vers banal, chevillé, sans lien avec les deux autres. Par la rime de mer, que laisse disponible la variante du tercet précédent, le poète unit ce premier vers aux images de voyage qu’évoquent les deux suivants. Il est bien fondu, et, comme une cloche sous le doigt, résonne de sa belle allitération. La cheville des urnes a subsisté. À la perfection du troisième vers, mûri en un fruit définitif, nul changement possible.

IV. — L’allitération du vers précédent ne pouvait se répéter. L’ouvrier la brise par la coupe inaccoutumée, par l’accent mis sur la pénultième de l’hémistiche, dans