Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/294

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obscure ; puéril triomphe associe l’éclat de la chevelure à une tête mutine et mignonne.

Au premier vers du tercet suivant, un mot imagé et sonore remplace un mot vague et même plat. Quant aux deux derniers ils ne pouvaient que rester parfaits, évoquant une mièvrerie de Ronsard ou de l’âge shakespearien.

Je termine ici ces analyses techniques. À ceux que ce mot à mot aurait impatientés, que ces minuties auraient fait sourire, je rappellerai trois vérités.

D’abord tout ce détail complexe, cette orchestration du vers ne sont pas spéciaux à Mallarmé, sont tout simplement le métier poétique lui-même. Il n’y a pas de vers français sans ce jeu instinctif d’accentuation, d’allitération, d’assonance. Une analyse pareille pourrait porter sur n’importe quelle série de vers de Malherbe ou de Racine, de Victor Hugo ou de Verlaine.

Ensuite toute étude sur un poète quelconque devrait admettre à titre d’épreuve ou d’exemple un essai de ce travail méticuleux. Un poète comme un peintre relève d’une technique au nom de laquelle on doit d’abord l’étudier. Je suis presque certain d’avoir, sur ces matières délicates, commis des erreurs : j’espère que de mieux armés les rectifieront. Il en est même une qu’on a peut-être déjà remarquée, et que je signale. Dans ma comparaison entre les variantes des deux poèmes qui précèdent, j’ai dû admettre que la seconde version était toujours un progrès sur la première, et mon analyse a pu paraître un dénigrement systématique, un peu injuste, de celle-ci. Ce n’est de ma part qu’une hypothèse commode pour faciliter le rapprochement des variantes et leur trouver une raison d’être. Mallarmé d’ailleurs a mis une telle piété à son rare et fervent travail, que, s’il est un poète qui ne doive pas être abordé par la voie large et avec les lieux communs de la critique superficielle, c’est lui.

Enfin il ne faudrait pas m’accuser de prêter à faux des intentions. Qu’il s’agisse de sujet, de rythme, de