Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/414

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Ils savent s’il a bien été. Il consiste, ce site au sol vaporisé, tout entier dans les iris, qui le savent, « disparition élocutoire du poète, qui cède l’initiative aux mots, par le heurt de leur inégalité mobilisés ; ils s’allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries, remplacent la respiration perceptible en l’ancien souffle lyrique ou la direction personnelle enthousiaste de la phrase[1] ». De ces lueurs juxtaposées émane la vraie poésie : L’or de la trompette d’Été, quoiqu’on dise, la cite et la consacre.

Stance VI. — Cette affirmation, la stance suivante, par le Oui, la reprend, la confirme. Voici la terre de la poésie nouvelle, l’île de mystérieuse beauté. Les mots sont des sujets, non des objets, suggestion, non création, vue et non visions. Flottante et comme délacée, faite de matière subtile et radiante,

Toute fleur s’étalait plus large.

Les mots exhalaient leur haleine vivante, déposée, autour d’eux, sur des âmes heureuses, en une rosée de silence,

Sans que nous en devisions.

Tout le chapitre sur les Puissances de suggestion est le commentaire de ces vers.

Stance VII. — Dans cette stance et les deux suivantes, jaillies toutes trois d’un même mouvement, s’épanouit le moment lyrique et libéré du poème. Selon leur motif même, se lève par elles une grande fleur, sœur de « l’absente d’aucuns bouquets » et de celle que, dans un sonnet de Mallarmé, ne porte point

Le pur vase d’aucun breuvage.

Ces fleurs qui figurent les mots, nous les reconnaissons : ce sont celles mêmes du Toast Funèbre

  1. Divagations, p. 246.