Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/418

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N’exista pas ? Soit. Par le sourire des rimes équivoques, peut-être déjà le poète le prévoyait.

A ne tendre royal que mon absent tombeau,
O rire si là-bas une pourpre s’apprête

Qu’est-ce donc que l’existence, sinon la fumée d’un songe sur un horizon, la preuve qu’un esprit s’est donnée qu’il existe ? L’image du flot qui s’écarte, pense le poète, retrouvant celle de l’Après-Midi d’un Faune,

prouve, hélas ! que bien seul je m’offrais
Pour triomphe la faute idéale de roses,

et, pour triomphe pareil, le sol, idéal aussi, de cent iris.

Stances XIII-XIV. — Ce rêve, ce qui l’a doré, c’était l’instant d’amour, la promenade ironique et sentimentale. Ici le motif byzantin remet son fond d’or et nous éclaire le sens initial du poème. Il est sorti de ces lignes d’A Rebours qui attirèrent l’attention sur Mallarmé « se complaisant, loin du monde, aux surprises de l’intellect, aux visions de sa cervelle raffinant sur des pensées déjà spécieuses, les greffant de finesses byzantines, les perpétuant en des déductions légèrement indiquées que reliait à peine un imperceptible fil[1] ». Mallarmé, écrivant une Prose pour des Esseintes, y a développé cette esthétique même (que le duc formule en une assez mauvaise langue). Les deux noms, d’abord surprenants, d’Anastase et de Pulchérie, sont, sur le poème, la touche qui répond à « finesses byzantines ».

Et probablement, avant de figurer dans le poème, ils étaient nés dans une de ces fantaisies tendres qui font

  1. Je ne relève pas ce que l’allusion à Byzance comporte chez Huysmans d’ignorance historique et de cliché vague. Dans la préface des Fleurs du Mal, Gautier écrivait déjà de Baudelaire : « On peut rappeler, à propos de lui, la langue marbrée déjà des verdeurs de la décomposition et comme faisandée du bas empire romain et les raffinements compliqués de l’école byzantine, dernière forme de l’art grec tombé en décadence. »